Afrique-Disney : l’éléphant blanc de M. Toumi

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Proposer un Afrique-Disney en Tunisie va à l’encontre des intérêts du pays et de son tourisme. A l’instar de son modèle à Paris, un tel projet serait un gouffre financier et un non-sens stratégique pour le tourisme tunisien.

 

Belle réussite commerciale avec 15 millions de visiteurs, Disneyland Paris est pourtant un véritable gouffre financier. En effet, la société Euro Disney Associés qui exploite le parc (filiale de The Walt Disney Company) a passé plus de 25 ans à courir derrière l’équilibre financier, pour afficher enfin un exercice positif en… 2019.

L’action Euro Disney, introduite en bourse en 1989 avec une valeur équivalente à 11 euros, ne valait plus rien quelques années plus tard, obligeant la Walt Disney Company à racheter la totalité des actions au prix de 2 euros l’une.

Euro Disney ne compte plus les opérations de recapitalisation, dont la dernière de 350 millions d’euros au mois de juin.

Disney, ou le spécialiste des “fuites”

Euro Disney n’a pas payé un seul euro d’impôt en France avant 2018, soit durant plus de 27 ans. Mais il a versé quelque 1,5 milliard d’euros à sa maison mère américaine en royalties et commissions. « Des royalties tellement élevées qu’elles empêcheraient Eurodisney d’être rentable », concluait un reportage de France info en 2017. On est donc en face du prototype même des entreprises de tourisme favorisant “les fuites” dont nous parlions dans notre article du mois de mai.

Faut-il aller plus loin dans le commentaire de cette proposition de notre Ministre du Tourisme Mohamed Ali Toumi ? Parler de sa compatibilité avec un tourisme durable ou culturel ? Faut-il rappeler que la France, avant d’accueillir le parc de Mickey, a d’abord lancé le Parc Astérix (2,3 millions de visiteurs) et le parc du Puy du Fou (2,3 millions de visiteurs), les deux intimement liés à l’histoire et à la culture de la destination ?

Et à supposer qu’un tel projet soit effectivement adopté par le gouvernement (rien n’est moins sûr), qu’il parvienne à franchir toutes les étapes de sa faisabilité et qu’il réussisse le tour de table nécessaire, se ferait-il sur le modèle PPP ? Avec quelles banques ?

Et de combien l’Etat tunisien pourrait-il contribuer, sachant que la mise de départ de l’Etat français pour Eurodisney, pour la seule construction de la gare ferroviaire, s’élevait à un milliard d’euros (plus de 3000 milliards de nos millimes) ?

Enfin, est-il raisonnable pour un pays dont l’économie est à genoux – lequel pays est encore empêtré dans son “méga-projet” d’aéroport à Enfidha, qui a signé l’échec de la première expérience d’investissement en PPP et dont les partenaires banquiers (GBM et BAD) se rappelleront encore longtemps – de repartir sur un deuxième éléphant blanc ?

Lotfi Mansour