Opinion : la stratégie tunisienne du transport aérien est à revoir d’urgence !

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Hakim Tounsi, patron du tour-opérateur Authentique International, réagit à l’annonce d’une chute de 25% du trafic de Tunisair au premier semestre.

 

A partir de 2006, Tunisair a entamé la mise en place d’une stratégie élaborée par un bureau d’étude international, Lufthansa Consulting ; une stratégie visant, entre autres, la conversion des heures de vols charter en heures de vols réguliers. Cette stratégie a conduit à une réduction continue de la part du charter dans l’activité et le chiffre d’affaires de Tunisair au profit de la part du trafic régulier.

Suite à la révolution de 2011 et devant une incertitude sur la tournure des évènements, la majorité des tour-opérateurs ont annulé le plus gros de leurs engagements charter et ont protégé leurs réservations de séjours touristiques sur les vols réguliers de Tunisair en réservant des blocs sièges (BS) sur toute l’année.

En constatant une augmentation du trafic régulier suite à la récupération du volume charter par les vols réguliers, les instigateurs de la stratégie commerciale de Tunisair consistant à convertir les heures de vol charter en vols réguliers avaient crié victoire, malgré nos mises en garde. Car il était prévisible que le trafic provenant des tour-opérateurs devait tôt ou tard disparaître de chez Tunisair : soit pour aller vers d’autres destinations que la Tunisie dans l’hypothèse du prolongement de la crise du tourisme tunisien, soit pour retourner vers le charter dans le cas d’un redémarrage du tourisme vers la Tunisie, mais avec d’autres compagnies que Tunisair, qui se désengageait volontairement du marché du charter en appliquant des tarifs plus élevés que ceux des compagnies européennes.

Aujourd’hui, nous sommes dans le premier cas de figure, avec une crise persistante du tourisme tunisien ayant conduit les tour-opérateurs à annuler en masse leurs réservations en blocs sièges sur les lignes régulières de Tunisair pour acheminer leur clientèle vers d’autres destinations.

Tunisair se retrouve de fait confrontée aux limites du véritable marché régulier, hors clientèle touristique, qu’elle se partage désormais avec Transavia et Nouvelair – qui ont augmenté sensiblement leur offre sur la Tunisie à des prix low cost que je juge suicidaires – puis Air France et Syphax, deux autres compagnies opérant sur notre destination avec des prix comparables à ceux pratiqués par Tunisair.

Au total, rien qu’entre entre Paris et Tunis, il y a quotidiennement un trafic régulier composé de 4 vols Tunisair, 4 vols Air France, 3 vols Transavia, 1 vol Nouvelair et un vol Syphax, soit au total 13 vols. Avec une capacité moyenne par vol de 160 sièges, ceci donne près de 2 100 sièges par jour, ce qui est énorme en termes de capacité aérienne régulière par rapport à la demande !

Cette situation ne profitera à personne et occasionne déjà des pertes insoutenables à toutes les compagnies opérant sur la Tunisie.

A mon sens, une révision rapide de la stratégie du transport aérien en Tunisie s’impose pour redonner du souffle au compagnies opérant sur le trafic régulier, et aussi pour mettre en place une politique de transport touristique charter agressive et adaptée aux besoins de notre pays qui souffre d’un manque de remplissage flagrant de sa capacité hôtelière.

Hakim Tounsi