Bilan 2014 : la Tunisie à la traîne

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Tandis que le Maroc table sur 11 millions de touristes pour l’année 2014, la destination Tunisie stagne, voire régresse. Même la légère hausse des recettes la laisse loin derrière les performances de son principal concurrent. Et la diversification est en berne.

 

Le bilan de l’année 2014 se solde par un recul des entrées (-3,2% à 6,08 millions d’entrées) et des nuitées (-3%, à 29,1 millions de nuitées). Cependant les recettes globales en euros augmentent de 6,2% à 1,587 milliards d’euros, une hausse due notamment à une amélioration des recettes à la nuitée de 6,9% par rapport à l’année 2013.

Ce bilan peut satisfaire certains. Mais à y regarder de plus près, la destination tunisienne est en perdition, notamment par rapport aux progrès que réalise son principal concurrent, le Maroc : celui-ci table sur 11 millions de touristes pour l’année 2014, et une recette de 5,5 milliards d’euros.

La Tunisie, jadis première destination africaine après l’Afrique du Sud, est reléguée loin derrière le Maroc. L’année 2014 et les quatre années de la Troïka se soldent surtout par une dégradation de la position concurrentielle de la destination sur les marchés européens, qui accusent un recul de 3% par rapport à 2013 et de 26% par rapport à 2010. Une aggravation due notamment à la dégringolade du marché français qui a encore reculé de 6% en 2014 et afficher une baisse de 48% par rapport à 2010. Au Maroc, au contraire, le marché français est en constante croissance depuis 2010, et même en 2014 (2 à 4% de croissance attendue) en dépit de son inscription par les autorités françaises sur la liste des pays à risque.

 

Entrées des non-résidents par nationalité (cumul janvier à décembre)

ENTREES NON-RESIDENTS 2014

Nuitées par région (cumul janvier à décembre)

NUITEES 2014

 

Mort de la diversification

Quatre ans après la révolution, le tourisme tunisien se retrouve privé de ce qui était considéré comme “un avantage concurrentiel” de la destination : sa diversification dont la thalassothérapie était le fer de lance. Le recul des marchés français, suisse (-48% en 4 ans) et scandinaves (-65% depuis 2010) ont surtout privé la Tunisie d’une bonne part de sa clientèle en thalassothérapie (en chute d’au moins 50%) et de celle des golfeurs. La situation politique du pays ne suffit pas à l’expliquer. Le déficit de promotion pour la thalasso, confiée, comme le segment des seniors, à l’Office du Thermalisme, ou le manque de liaisons aériennes sur les pays scandinaves ont largement contribué à cette chute.

Le retard de l’accord sur l’Open Sky se solde, lui, par le recul du tourisme individuel : les quatre années écoulées ont été un véritable enfer pour les hôtels haut de gamme. Pour eux, la seule issue semble une conversion au all inclusive, sonnant ainsi le glas d’une autre “stratégie de diversification”, celle de l’hébergement vers le haut de gamme.

Les réformes, il ne suffit pas d’en parler

Ajoutons à cela l’absence de réformes, sans cesse reportées depuis 2011. Il en est ainsi de l’Open Sky et du désenclavement des régions du Sud, Djerba ou Tabarka, de l’endettement hôtelier et surtout de la restructuration de l’ONTT (que notre ministre nous disait imminente il y a quelque mois). La seule mesure tangible à retenir de l’année écoulée est celle de la taxe de 30 dinars pour les non résidents ; une taxe qu’il faut bien mettre à l’actif du ministère des Finances puisqu’aucun millime des sommes récoltées ne profitera au tourisme.

Leçon marocaine

A quelques jours de l’arrivée d’un nouveau ministre du Tourisme, nous lui offrons ce passage d’un rapport du ministère marocain du Tourisme pour l’année 2015. Il explicite en quelques lignes les raisons du succès prévisible de cette destination pour les années à venir :

« Pour 2015 et afin d’assurer la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de sa stratégie marketing, l’ONMT a prévu une réorganisation de ses structures, la modernisation de la gestion de ses ressources humaines ainsi que la révision de son périmètre d’intervention et de sa dénomination. Cette réorganisation vise d’abord à améliorer l’accessibilité de la destination Maroc en poursuivant une approche agressive en matière de desserte aérienne, particulièrement sur les marchés prioritaires comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou encore les Etats-Unis. Elle vise ensuite à diversifier les segments de clientèle et les bassins émetteurs tels que le Brésil, les pays du CCG, la Chine, l’Afrique et l’Europe de l’Est (…) de nombreuses actions sont programmées afin de désenclaver et de renforcer le positionnement de certaines régions, notamment le sud du Maroc. »

Ainsi la priorité du Maroc est bien la réforme de son office du tourisme dont le but (malgré l’ouverture du ciel marocain depuis dix ans) est de poursuivre « une approche agressive en matière de desserte aérienne ». Tout est dit.

LM

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