En Tunisie et nulle part ailleurs

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Ceux qui ont pu voyager en Méditerranée le savent. C’est en Tunisie et nulle part ailleurs qu’on a ces plages d’un sable merveilleusement fin. C’est en Tunisie et nulle part ailleurs qu’on peut s’offrir, sans se ruiner, des vacances dans des resorts où s’expriment à la fois le dévouement d’employés souriants même quand ils sont sous-payés, et la créativité d’architectes, décorateurs et artisans qui y donnent toute la mesure de leur talent. C’est en Tunisie et nulle part ailleurs qu’on peut rencontrer, au détour d’un couloir d’hôtel, l’œuvre d’un maître comme Gorgi ou celles des plus grands peintres tunisiens d’aujourd’hui.

C’est cette Tunisie qui a damé le pion à tant de destinations balnéaires depuis quarante ans. Et c’est cette Tunisie que tant de destinations ont imitée pour mieux la dépasser : dans son sillage, tour à tour la Turquie, le Maroc et l’Egypte se sont mis au balnéaire.

Aujourd’hui, il est malheureux de constater que c’est en Tunisie et nulle part ailleurs qu’un ministre du Tourisme dénigre ceux-là même qu’il est censé défendre. Au moment où bon nombre de nos hôtels sont à l’agonie, Mme Karboul a cru bon de déclarer hier à Tourmag (magazine professionnel lu par des agents de voyages français déjà hésitants à vendre la Tunisie) : « Nos visiteurs viennent en vacances au bord de la mer dans des hôtels qui pourraient être partout ailleurs dans le monde ».

Mais par quoi Mme la Ministre va-t-elle remplacer ce foutu balnéaire et ses hôtels sans âme? Par le tourisme saharien ? Par le tourisme de santé ? Par le MICE ? Que nenni. Sa réponse est sidérante : « créer des circuits, ouvrir des maisons d’hôtes, développer l’éco-tourisme ». Il manque juste l’agri-tourisme et les campings.

Savez-vous, Mme la Ministre, combien de clients accueillent ou accueilleront les maisons d’hôtes ? combien d’employés elles occupent ou occuperont ? combien de devises elles rapportent ou rapporteront ?

A-t-on besoin d’expliquer à une consultante comme vous, Mme la Ministre, qui plus est passée par le Boston Consulting Group, que les « Vaches à lait »* comme le balnéaire permettent à elles seules de financer les « Dilemmes »* qui ne seront peut-être que des « Poids morts »* ? Savez-vous que ce sont ces « Vaches à lait », par ces temps de vaches maigres, qui nous permettent encore de faire bouillir nos marmites ?

Dénigrer la quasi totalité du parc hôtelier tunisien, rabaisser le produit phare de notre tourisme pour vanter un produit de niche qui est encore en gestation, c’est lâcher la proie pour l’ombre.

Si ces déclarations expriment réellement la pensée de notre Ministre, il y a de quoi désespérer du tourisme et des ministres du Tourisme.

Lotfi Mansour

 *  Voir « Matrice BCG » et « SBU » (Strategic Business Unit)