L’Espagne, un modèle pour le tourisme tunisien ?

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Au moment où notre tourisme cherche une voie pour se relancer, et alors que la feuille de route proposée par le ministère du Tourisme ne semble pas susciter une grande adhésion (voir Le Tourisme n°8 de mai 2012), l’inspiration pourrait nous venir d’une destination qui ressemble plus qu’une autre à la Tunisie ; une destination qui a bâti son succès sur le tandem “plage et soleil”, qui a dû faire face au vieillissement de son parc hôtelier constitué essentiellement de resorts, et dont les clients viennent principalement par voie aérienne. Il s’agit de l’Espagne, destination dans laquelle on ne veut voir qu’un concurrent, alors qu’elle représente un modèle de développement qui marche.

En effet, bien qu’elle soit devancée par la France en termes d’arrivées touristiques, l’Espagne est la première destination européenne en matière de recettes, et la deuxième mondiale après les Etats-Unis. En d’autres termes, l’Espagne et Turespana ont réussi là où la France et Atout France ont échoué.

Ce succès vaut à la péninsule ibérique un intérêt croissant de la part des décideurs du tourisme français. Un intérêt qu’illustre une étude réalisée en janvier 2011 par le cabinet KPMG pour le compte du ministère français de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi et portant sur une analyse comparative des centres de profit des industries touristiques des deux pays. De ce rapport de 233 pages, nous publions quelques faits et chiffres en y ajoutant une comparaison avec le tourisme tunisien.

Les recettes

Si les recettes touristiques sont un critère important, sinon le premier, de l’efficacité d’une politique de développement et de la compétitivité du secteur, l’Espagne en est la championne incontestée. La France semble se satisfaire de sa place de première destination mondiale en termes d’entrées touristiques, même si 11 millions des arrivées, soit 14%, ne font que transiter par le pays. Troisième mondiale en termes d’entrées, l’Espagne est deuxième en termes de recettes derrière les Etats-Unis avec 62,5 Mds $ en 2009 et 77 euros de dépense moyenne par jour, contre 62 euros pour la France.
Comme le montrent les graphiques ci-dessous, l’Espagne n’a cessé ces dernières années de creuser l’écart avec la France. En effet, l’écart de dépenses moyennes par séjour entre les deux pays était de 50% en 2006 et est passé à 54% en 2009. De toute évidence, les deux pays ont fait des choix de stratégies différentes.
En Tunisie, on semble avoir pris parti pour la voie française. Comme nous le rappelions dans notre numéro de mai, « avec quelque 500 dinars (soit 250 euros) de recette par touriste, notre destination a toujours été détentrice du record de la plus faible recette par touriste parmi ses concurrents en Méditerranée. Ceci n’a pas empêché nos ministres successifs de célébrer tous les ans, tous les mois et toutes les semaines, les bons chiffres des entrées aux frontières. »

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Organisation et promotion

La promotion touristique en Espagne est réalisée par Turespana, dont le budget était en 2009 de 201,5 millions d’euros, et les agences de promotion touristique régionale, provinciale et celle des villes. Le budget des régions s’est élevé en 2009 à 346 millions d’euros (voir graphique) dont 90,4 millions pour l’Andalousie qui détient le premier budget régional.

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Budget marketing et promotion des différentes communautés autonomes en Espagne en 2009 (en millions d’euros)

Transport et fidélisation des clients

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Le low-cost fidélise le client

En 2009, 42,3 millions parmi les touristes internationaux répétaient leur visite, soit un “taux de retour” de 80%. Le nombre de visiteurs qui viennent en Espagne pour la dixième fois ou plus se situe à 48%.
Les auteurs de l’étude expliquent ce taux élevé par « le développement des transports low-cost au début des années 2000, l’achat de résidences secondaires, les visites familiales, etc. » Ces statistiques ne seraient pas disponibles en France.
Les compagnies low-cost transportent quelque 30 millions de passagers vers l’Espagne, soit 55% des arrivées internationales. En 2008, ces passagers venaient essentiellement du Royaume-Uni (17,3 millions), d’Allemagne (10,9 millions) et d’Italie (5 millions). Près de 90% des passagers low-cost étaient déjà venus en Espagne, et parmi eux 40% sont déjà venus au moins 10 fois, et 20% entre 4 et 6 fois.

Le low-cost n’altère pas les recettes

Même si les touristes européens arrivés en Espagne par un vol low-cost dépensent en moyenne 167 euros de moins qu’un voyageur ayant pris un vol traditionnel, l’étude conclut que pour l’ensemble du tourisme espagnol, « la progression des arrivées low-cost n’a pas eu d’impact sur le niveau de dépenses moyennes par séjour, qui a continué à progresser dans les années 2000 ».

Hôtels en Espagne, camping en France

En Espagne, l’hébergement marchand est dominé par l’hôtellerie qui concentre 56% des lits disponibles, contre seulement 17% en France – celle-ci se distingue par la domination du camping qui totalise 48% des lits disponibles en hébergement marchand, soit 2,7 millions de places. La Tunisie est beaucoup plus proche du modèle espagnol, et les hôtels classés (sans atteindre le nombre de leurs homologues espagnols) y représentent 90% de l’hébergement marchand répertorié par l’ONTT (celui-ci ne recense pas l’hébergement locatif saisonnier ou à l’année, les meublés et chambres d’hôtes).

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La gouvernance, clef de voûte du succès espagnol

Le tableau ci-dessous résume les atouts et les faiblesses comparés de l’Espagne et de la France. Mais les vrais atouts de l’Espagne sont, selon cette étude, la forte promotion à l’étranger et une « gouvernance du tourisme structurée autour des acteurs privés ».
En effet, les auteurs donnent une conclusion à ce propos qui doit nous donner à réfléchir :
« En Espagne, la stratégie touristique pour 2020 a été élaborée par le Consejo de Turismo qui réunit des institutionnels, des personnalités émanant des entreprises et des techniciens reconnus. Cette démarche participative garantit l’adhésion des entreprises privées comme des Communautés Autonomes malgré les fortes identités régionales. En France, la répartition des compétences du tourisme demeure peu lisible et n’incite pas les entreprises privées à s’impliquer activement. Par ailleurs, les associations et fédérations professionnelles, malgré leur poids, sont dirigées par des professionnels souffrant parfois d’un manque de légitimité ».
Que peut-on ajouter, sinon que, comme l’annoncent certains romans, toute ressemblance avec le cas de la Tunisie ne serait que pur hasard ?

Avantages concurrentiels et atouts de la France et de l’Espagne

Avantages-concurrentiels-France-et-l’Espagne-Légende : +++ structuration/ organisation très performante
++/+ structuration/ organisation performante
– faible organisation/ peu d’investissements
Source : KPMG THL
L’Espagne présente des atouts, comparativement intéressants par rapport à la France, sur les filières suivantes :
1. L’hôtellerie « resort » en termes de commercialisation et de positionnement
2. Le tourisme de congrès
3. La filière de la croisière
4. Le tourisme des seniors