Kerkennah : en attendant Founkhal

Tout n’est pas bon dans le pétrole. Sa découverte à Kerkennah pourrait menacer le développement du tourisme, à commencer par la future station écologique prévue à Founkhal.

L’AFT vient de lancer un Appel international à manifestation d’intérêt pour la réalisation de la station touristique écologique de Sidi Founkhal. Un projet de 3 000 lits qui attend de voir le jour depuis déjà vingt ans, et qui porte depuis tout ce temps les espoirs des habitants de Kerkennah pour un développement en douceur des îles par le tourisme.

En attendant l’arrivée des investisseurs du tourisme, Kerkennah a vu venir un autre type d’investisseurs : les sociétés pétrolières et gazières Petrofac et OMV. Or la découverte de pétrole dans plusieurs endroits de l’île semble comporter quelques menaces, notamment pour l’actuelle zone touristique de Sidi Frej.

En effet, en plus de ses quatre plateformes d’exploration bien visibles à l’œil nu au large de cette zone touristique, la société autrichienne OMV associée au tunisien TPS s’est autorisée à occuper par ses bateaux une jetée qui servait jusque-là à accueillir des bateaux de plaisance de vacanciers (photo). Les nuisances, visuelles et sonores, causées par ces bateaux feraient hésiter les tour operators tentés de commercialiser les hôtels de la station. C’est en tout cas ce que soutient Lotfi Kannou, patron du Residence Club, qui dénonce « l’installation d’une activité industrielle en pleine zone touristique ».

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Khaled Trabelsi, PDG de l’AFT, est d’avis qu’il ne devrait pas y avoir « d’activité incompatible avec le tourisme au sein des zones touristiques » – sans toutefois infirmer ni confirmer “l’incompatibilité” de la présence des bateaux d’OMV avec l’activité des hôtels. Car, rappelle-t-il, « la jetée est publique, même si elle située en zone touristique ».

Et c’est cette ambiguïté que semble exploiter la société pétrolière. Elle s’est approprié l’embarcadère de jour et de nuit grâce à un manège bien huilé que nous avons pu observer sur place, et qui consiste à faire occuper le lieu par ses différents bateaux à tour de rôle.

Les bateaux de la société pétrolière OMV en face des hôtels de Sidi Frej :
l’un part, l’autre arrive. Au loin, deux stations offshore bien visibles à l’œil nu.
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Il serait donc temps que le ministère du Tourisme joue son rôle d’arbitre pour préserver les zones touristiques de Kerkennah. D’autant plus que la future station de Founkhal est elle-même soumise à la convoitise des sociétés pétrolières, puisque l’anglais Petrofac a sollicité à deux reprises l’obtention d’un terrain au sein même de la station. Des demandes jusque-là refusées par le Ministère, mais qui montrent les intentions des pétroliers.

Sidi Frej à Kerkennah : un petit coin de paradis qui ne demande qu’à être préservé.
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Karboul, ministre des fleurs, des oiseaux et de la bonne humeur

Incapable de tenir ses promesses, la Ministre du Tourisme répudie ses partenaires professionnels et se déclare « ministre de la nature, de la culture et de l’environnement »…

Après ses déclarations sur l’harissa et le plat tunisien, voilà que la ministre qui voulait « sauver la saison actuelle et les vingt-cinq saisons à venir » se débine, et débine.
En effet, pour justifier son échec, Madame qualifie* à présent de « débile » (sic) l’objectif de 7 millions de touristes qu’elle a elle-même défendu bec et ongles pendant des mois. Furieuse contre la FTH depuis que le communiqué de celle-ci a été repris par tous les médias tunisiens et étrangers – y compris le journal Le Monde –, elle traite les représentants de la fédération hôtelière de « mauvaises langues ». Et pour parer à de nouvelles critiques sur ses non-résultats, Madame nous déclare qu’elle n’est plus ministre « des hôtels et des agences de voyages » mais « ministre de la nature, de la culture et de l’environnement ». Autant dire des fleurs, des oiseaux et de la bonne humeur. Imagine-t-on un ministre de l’Agriculture nous dire qu’il n’est pas le ministre des agriculteurs, ou un ministre de la Culture se désintéresser des artistes et des institutions culturelles ?

Comme à son habitude, madame Karboul ne manque pas de s’attribuer le travail des autres en se prétendant l’initiatrice de l’événement Djerba Street Art – alors que son organisateur Mehdi Ben Cheikh a dû subir des mois de retard avant de convaincre le ministère du Tourisme de figurer parmi les sponsors.

Enfin, madame la Ministre nous révèle le montant de son premier salaire à Londres dont on se soucie comme de notre dernier chien écrasé. Quitte à nous faire des révélations sur sa situation personnelle, elle aurait pu mentionner la rémunération de l’agence qui gère son image personnelle sur internet pour qu’on sache le montant, probablement compté en dizaines de milliers de dinars, qu’elle a jeté par la fenêtre.

LM

* dans une interview à notre confrère Destination Tunisie publiée le 14/07.




Top Resa et MAP Pro réunis

Les salons IFTM-Top Resa et le Monde A Paris se sont réunis et se tiendront ensemble en septembre.

Les salons IFTM-Top Resa et MAP Pro se sont réunis. Ils se tiendront désormais, et dès la prochaine édition, en septembre (du 23 au 26 pour Top Resa et du 24 au 25 pour MAP Pro) à la Porte de Versailles, dans des halls séparés (7.2 pour Top Resa et 7.1 pour MAP Pro).

Ce rapprochement crée un seul grand rendez-vous parisien pour l’ensemble des opérateurs du tourisme français et mondial.




Syphax réfute

Accusée de « détournement de taxe carbone », Syphax Airlines parle d’une affaire montée en épingle et se défend de toute dissimulation.

Un article récent d’African Manager dresse un bilan bien sévère des pratiques comptables de Syphax Airlines. Le journaliste, présent en tant qu’actionnaire lors de l’Assemblée générale ordinaire de la compagnie aérienne tenue le 28 juin, y affirme notamment que Syphax Airlines « détourne la taxe carbone en revenu ». En effet, dans les pays de l’Union européenne, les compagnies aériennes sont collectrices de la taxe carbone qu’elles sont censées ensuite reverser aux pays concernés.

Contacté par nos soins, Mohamed Frikha réfute catégoriquement. « Ma meilleure réponse à ces allégations sera les bénéfices que nous annoncerons pour l’exercice 2014 de Syphax Airlines », affirme-t-il. Pour le PDG de Syphax, la mauvaise foi du journaliste-actionnaire est manifeste puisque « lors de l’AGO, il n’a émis aucune objection aux chiffres et comptes présentés, et il oublie de mentionner l’engagement de Syphax à se conformer aux observations du commissaire aux comptes ». De plus, ajoute le PDG de Syphax, « tous les chiffres et toutes les résolutions de l’AGO ont été rendus publics dans le journal La Presse de Tunisie ».

Concernant cette fameuse taxe carbone, il reconnaît « un dysfonctionnement » dû essentiellement au manque d’expérience de la compagnie. Mais, confirme-t-il, « nous paierons la taxe carbone et les autres taxes dans un délai raisonnable ».

Dans un communiqué daté du 9 juin, la compagnie monte le ton en « démentant avec fermeté les allégations mensongères distillées avec haine et mépris dans cet article truffé d’incohérences et de mauvaise foi ». Avant de menacer : « La direction de Syphax se réserve le plein droit d’attaquer en justice ce journaliste et tous ceux qui s’acharnent à vouloir porter préjudice à l’intégrité de la société et à ses dirigeants. »

Ces mots dénotent de l’état d’esprit de Mohamed Frikha, qui pense qu’il est victime d’une « cabale orchestrée par des concurrents en affaires au moment même où Syphax Airlines est sur le point de prouver sa viabilité ».




Statistiques : baisse des entrées de touristes

Les entrées européennes sont en baisse. Les entrées globales et les recettes aussi, malgré les apparences.

 

Au 10 mai, les entrées européennes de touristes sont en recul de 2,3% par rapport à 2013 et de 32,7% par rapport à 2010. Cette baisse n’est pas seulement due à l’accentuation de la baisse du marché français (-10,2% par rapport à 2013 et -49,2% par rapport à 2010). Elle s’explique aussi par une rechute du marché anglais (-5,2% par rapport à 2013) et des marchés de l’Est européen, dont la Russie qui recule de 8,3%.

Quant aux recettes touristiques, dont le Chef du Gouvernement annonce une hausse de 2,7% au 30 avril, il s’agit d’une hausse en dinars (apparemment en dinars courants). En euros, on enregistre une baisse de 3,3%. Peut-on en déduire que M. Jomaa commet là un mensonge par omission pour embellir son bilan des 100 jours ?

Notons que la baisse des entrées n’est pas due à une quelconque annulation de croisières, les croisiéristes n’étant pas comptabilisés dans les entrées touristiques puisqu’ils passent moins d’une journée dans le pays.

Les entrées des Maghrébins, qui, eux, sont comptabilisés bien que leur séjour moyen soit inférieur à une journée, apparaissent en croissance grâce à une augmentation des arrivées algériennes de 30,6% par rapport à 2013. C’est ce qui permet  aux représentants du ministère du Tourisme de parler indûment d’une hausse globale des entrées de 3,8%. En effet, la durée de séjour officielle des Algériens ne dépasse pas 0,7 jour. Les Algériens ne devraient donc pas tous être comptabilisés comme des touristes (voir nos articles “Le vrai bilan du tourisme tunisien” et “Notre dossier fait débat”).

Quoi qu’il en soit, les 74 386 Algériens supplémentaires enregistrés au 10 mai représenteraient 52 000 nuitées au vu de leur durée de séjour officielle, tandis que les 12 861 Européens perdus cette année représentent, eux, avec une durée de séjour moyenne de 7,8 jours, un déficit de 100 316 nuitées.

De quoi relativiser les appréciations officielles concernant le déroulement de la saison jusqu’à présent et concernant le bilan de 100 jours du Gouvernement. Surtout que l’année de comparaison, 2013, était une année de grande agitation politique en Tunisie avec notamment les assassinats de Chokri Belaïd, le 6 février, et de Mohamed Brahmi le 25 juillet.

 

Entrées des non-résidents au 10/05/2014

ENTREES au 10-05-2014Source : ONTT/DE




Where is the beef ?

Mme Karboul est bien partie pour être la Ministre du Tourisme la plus populaire des trente dernières années. C’est bien normal, elle y consacre apparemment le plus clair de son temps. Mais depuis un mois, point de réformes ni de décisions à la hauteur des défis du secteur… ou si peu.

 

Notre jeune et prometteuse Ministre du Tourisme annonçait, lors de sa nomination, qu’elle venait « pour sauver non pas cette saison mais les vingt saisons à venir ». Une déclaration qui a démultiplié nos espoirs, déjà grands, de voir enfin un ministre attaquer de front les vrais dossiers du secteur.

Un mois après cette annonce tonitruante, on attend toujours les décisions de Mme Karboul. Bien sûr, il y a eu le limogeage de Habib Ammar ; mais cette décision avait été prise avant même son arrivée. Il y a eu aussi la soirée sur la gastronomie tunisienne où étaient invités tous les anciens ministres du Tourisme – sauf le prédécesseur de Mme Karboul ; or c’est celui-là même qui avait programmé cette soirée initiée par Zouheir Ben Jmiaa. Bien sûr, Mme Karboul s’est illustrée, lors des “Dunes électroniques”, avec son sens de l’animation. Seulement voilà, les “Dunes” sont l’œuvre d’un privé et avaient été programmées depuis quelques mois.

Si de nombreux touristes tunisiens étaient présents aux “Dunes électroniques”, c’est grâce au dynamisme d’agences de voyages telles que Traveltodo, et à un accord – conclu avant l’arrivée de Mme Karboul – entre Tunisair Express et l’ONTT pour la mise en place de vols supplémentaires Tunis-Tozeur subventionnés par l’Office. Alors que reste-t-il de l’œuvre de Mme Karboul à part son enthousiasme ? Malheureusement pas grand-chose. C’est un peu « la brebis qui se flatte de l’embonpoint du mouton », comme le dit le dicton (que Dieu pardonne à nos ancêtres leur langage si peu diplomatique !).naaja

Bien sûr que notre Ministre a encore de quoi tenir la une des journaux dans les prochains jours, et les prochaines semaines : avec un énième épisode du jeu des chaises musicales à l’ONTT, avec le Festival de Carthage à propos duquel on parlera de Shakira et de Fayrouz, ou avec la relance de l’UGPO, la fameuse Unité de gestion par objectif créée par Elyes Fakhfakh et qui avait été enterrée par Jamel Gamra. Mais celle-ci ne fera reparler d’elle que pour amuser la galerie, puisque l’UGPO n’a ni les moyens ni les compétences de ses ambitions.

On ne peut s’empêcher, en suivant l’activité de Mme la Ministre, de se demander, comme dans une célèbre publicité de hamburgers des années soixante : « Where is the beef ? » – « Où est la viande ? », pour dire qu’il manque l’essentiel.

Mme Karboul sait se montrer sympathique, mais ce n’est pas là l’essentiel du travail d’un ministre – “errassmi” comme on dit chez nous. Ce ne pourrait en aucun cas être “faire le tourisme” puisque l’administration ne possède ni les hôtels, ni les agences de voyages ni les compagnies aériennes ni les TO dont c’est la vocation. Le travail d’un ministre, c’est de créer les conditions favorables pour que les entreprises puissent agir. Et pour ne pas rendre trop long cet article, je citerai un aspect dont Mme Karboul devrait nous dire ce qu’elle en pense, à savoir la réforme de l’administration.

En effet, en même temps que nous possédons en Tunisie le budget de promotion le plus bas parmi nos concurrents, nous avons l’administration du Tourisme la plus budgétivore au monde. Selon un décompte que nous avons réalisé il y a quelques années sur la base des chiffres de l’OMT, nous avions constaté que notre administration était la seule au monde à consacrer 70% du budget du Tourisme aux dépenses de fonctionnement, contre seulement 30% aux dépenses de promotion. Ailleurs dans le monde, c’est l’inverse. Il semble que depuis, nous en sommes à 60/40 ; mais le mal est toujours là.

Nos ministres préfèrent s’ingénier à créer de nouvelles taxes pour renflouer le budget de promotion, au lieu de s’attaquer à ce mal qui engloutit l’argent du contribuable sans preuve d’efficacité. Au lieu d’une telle réforme structurelle qui suppose la création d’une agence de promotion, Mme Karboul semble nous dire que « le système est bon, seuls les individus sont mauvais ». Et notamment les individus dont la tête ne lui revient pas : « Celui-là, je ne veux plus voir sa tête », l’a-t-on entendu proférer.

Alors, Mme Karboul, vous nous avez assez amusés comme ça. Il est temps pour vous de nous étonner avec des idées et des mesures innovantes qui mettraient notre tourisme à l’abri « pour les vingt prochaines années », comme vous l’avez promis.

Lotfi Mansour