FTAV : on joue à « kahla-hamra »

C’est une particularité de la FTAV : l’arrivée d’un nouveau bureau se joue toujours à travers de vraies élections, et donc de vraies manœuvres électorales entre deux listes parfois antagonistes, et en tout cas aux couleurs significatives.

La liste représentant peu ou prou le bureau sortant se pare toujours de bleu, couleur du logo de la FTAV, et symbole, selon le bord auquel on appartient, de stabilité ou de conservatisme. D’ailleurs, on s’étonne toujours de voir le grand nombre de fédérations du tourisme à choisir ce bleu malgré son ambivalence : s’il est théoriquement symbolique de fraicheur, de pureté etc., il reste pour les Tunisiens (on parle des gens du peuple et non de ceux des conseils d’administration) une couleur honnie, et ce bien avant l’arrivée d’Ennahda (dont le logo est aussi bleu) : ne dit-on pas « une journée bleue » (nhar azrek) pour dire « une journée de m… » ?

Dans ce contexte, le choix de la couleur de la liste concurrente n’est pas anodin : aux précédentes élections, la liste concurrente s’est choisi la couleur orangée, dont la symbolique est quasiment celle du bleu (fraicheur…) tout en voulant porter une promesse de changement en douceur avec une couleur « presque rouge, mais pas tellement » ; ce qui exprimait peut-être la difficulté pour la leader de cette liste de rompre avec le bilan du bureau sortant puisqu’elle en était la secrétaire générale.

Cette fois-ci, la volonté de rupture est plus nette avec le choix d’un rouge « révolutionnaire » sur une liste plutôt portée par des jeunes, mais où les « anciens » ne sont pas absents. Un rouge qui est aussi « la couleur préférée des Tunisiens », celle qui domine dans les melyas, habits berbères des femmes, celle de la chéchia, jadis le couvre-chef de tous les hommes, et surtout celle du drapeau national.

Quand le noir s’invite à la fête…

Jusque-là tout allait bien dans les meilleures couleurs du monde, jusqu’à ce que la liste bleue se mette à jouer au bonneteau, c’est-à-dire en tunisien à « kahla-hamra » (littéralement noir et rouge ; sans rapport avec Stendhal). Le fait est qu’une des têtes de la liste Bleue, fidèle représentant depuis des décennies d’un grand groupe bien impliqué dans l’hôtellerie, est devenu ces derniers mois un agent de voyages indépendant. Il n’en fallait pas plus pour que les Rouges voient rouge et crient à la manipulation du votant de base ; surtout que ce changement de statut ne satisferait pas à l’un des critères d’éligibilité qui est d’avoir une ancienneté d’au moins trois ans à la tête d’une agence.

Le procès fait à ce respectable membre de la liste Bleue ressemble à celui fait aux candidats politiques dits indépendants de nos différentes élections, à savoir d’être un « agent d’Ennahda ». Décidément, le bleu n’inspire que méfiance.

Des amis agents de voyages me demandent ce que je pense de tout ça. En guise de réponse, je paraphrase Picasso : « Quand je doute du bleu, je mets du rouge »*.

Lotfi Mansour

* « Quand je n’ai pas de bleu, je mets du rouge », Pablo Picasso.




A l’origine du Club Med Djerba, des pêcheurs d’éponges…

Des pêcheurs d’éponges grecs installés jadis à Djerba sont à l’origine du succès touristique de l’île des Lotophages.

 

A la fin du 19e siècle, des pêcheurs grecs venaient chaque année le long des côtes d’Afrique du Nord pour y récolter des éponges.

Certains s’y sont finalement installés. L’un d’eux a fondé à Djerba une grande entreprise de pêche et d’exportation des éponges. Son petit-fils s’appelait Laris Kindynis.

Dans les années 1950, ce Laris Kindynis a rencontré Gérard Blitz, l’inventeur du Club Méditerranée, et lui a parlé de son jardin secret, une petite crique déserte où il chassait le mulet et le mérou.

Un an plus tard, le 4e village du Club Med s’implantait à cet endroit. Point de départ du succès mondial de cette île mythique qui deviendra une grande destination touristique.

Laris Kindynis, quant à lui, rejoindra le Club Med, puis participera à la création de plusieurs clubs de vacances et hôtels de luxe à travers le monde.

Auparavant, son père avait construit un petit hôtel qui existe encore, l’Hôtel du Lotos, non loin de l’église grecque-orthodoxe Saint-Nicolas près de la mer. Deux lieux qui gardent le souvenir de l’importante communauté formée jadis à Djerba par les pêcheurs d’éponges grecs…

 

Lire plus sur TunisiaTourism.info : Djerba, le Club Med et les pêcheurs d’éponges




Nizar Slimane nommé DG de l’ONTT

Nizar Slimane est nommé Directeur Général de l’ONTT. Le choix de N. Slimane est celui de l’expérience et de la polyvalence puisqu’il a occupé aussi bien le poste de Directeur Administratif et Financier, de DGA et de représentant de l’ONTT dans divers pays européens.




Le Ministre du Tourisme s’enquiert de l’avancement du TCB

Mohamed Moez Belhassine a reçu le 13 décembre Lotfi Mansour, initiateur du projet Tunisia Convention Bureau (voir notre article), en présence de Jamel Bouzid (DG de l’ONTT par intérim) et de Lotfi Mani (Directeur Central de la Promotion) afin de s’enquérir des objectifs et de l’avancement dudit projet.

Le Ministre du Tourisme et de l’Artisanat a insisté, lors de cette entrevue, sur la nécessaire représentativité du TCB. Celui-ci, a-t-il souligné, « devrait faire adhérer le plus grand nombre de professionnels du secteur et notamment ceux des régions qui représentent un véritable gisement pour les incentives et les évènements ».

Photo : la rencontre du 13 décembre avec Mohamed Moez Belhassine, Ministre du Tourisme et de l’Artisanat (au centre). De gauche à droite : Lotfi Mani (Directeur Central de la Promotion), Lotfi Mansour (MCM) et Jamel Bouzid (DG de l’ONTT par intérim).

Concernant la collaboration du futur TCB avec l’Administration du Tourisme, le Ministre a accueilli favorablement l’idée d’une commission mixte TCB/ONTT comme cadre de coordination des actions à mener pour la relance du secteur MICE et de la destination sur les marchés internationaux. Il a recommandé, en outre, de coordonner au préalable avec les Ministères concernés.

Mohamed Moez Belhassine a indiqué que ce projet se devrait de tirer les leçons des précédentes expériences de regroupement, en distinguant notamment « l’activité du groupement, qui est au service de la promotion de la destination et du secteur MICE, et celle de ses membres, tout en sachant que le succès du TCB rejaillira forcement sur le développement des entreprises qui le forment ».

Lotfi Mansour a confirmé au Ministre du Tourisme la concordance de vues des membres du TCB avec cette approche. Elle sera à l’ordre du jour de la prochaine réunion élargie du TCB qui se tiendra au mois de janvier prochain.




Relance du MICE : le TCB sur les rails

Réuni le 4 décembre, un groupe d’agences et hôtels MICE a conclu à la création d’un cluster sectoriel qui prendra le nom de Tunisia Convention Bureau, et dont la réalisation est confiée à un comité de pilotage (COPIL).

 

Réunis au Mövenpick Gammarth à l’initiative de MCM, une dizaine d’agences MICE et d’hôtels ont procédé à un examen de la situation des incentives et congrès en Tunisie.

Ils ont conclu à ce qui suit :

  • besoin d’une stratégie de relance du secteur MICE en Tunisie qui s’appuierait sur le savoir-faire de cadres et entreprises expérimentés du secteur ;
  • urgence de rendre plus visible l’offre MICE de la destination, de défendre la candidature de la Tunisie à l’accueil de grands congrès et événements et de se reconnecter avec les organisateurs internationaux pour leur fournir en continu une information fiable sur l’offre MICE de la Tunisie ;
  • besoin d’un « guichet unique » pour faciliter les démarches des partenaires internationaux (étude de faisabilité des événements, devis, procédures…) ;
  • besoin d’un coordinateur pour le secteur, tant vis-à-vis des intervenants publics et privés du secteur que des partenaires étrangers.

En conséquence, ils ont décidé :

  • de se regrouper en cluster sous l’appellation Tunisia Convention Bureau (TCB) afin de réaliser les objectifs ci-dessus ;
  • ce cluster est ouvert à toutes les agences et hôtels MICE ;
  • les personnes réunies le 4 décembre forment un Comité de Pilotage (COPIL) qui aura pour mission de conduire à la réalisation finale du projet, dont notamment :
    – le programme détaillé, y compris la création d’un site web tunisiaconventionbureau.com qui devrait être opérationnel en septembre 2022,
    – les modalités d’adhésion,
    – les règles de fonctionnement, les modalités de financement ainsi que la forme juridique du cluster,
    – l’identification des partenaires potentiels.

Le COPIL ainsi formé pourra s’adjoindre de nouveaux membres ayant des compétences jugées nécessaires pour le bon fonctionnement du TCB (dans l’aérien notamment). La composition définitive du COPIL sera effective après la prochaine réunion du cluster envisagée au début du mois de janvier 2022 et en présence de nouveaux opérateurs et d’éventuels partenaires.

Les participants à la réunion, de gauche à droite : Wiem Radhouane (Barclay’s Group Travel), Imed Lagha (Inventive Tunisia DMC), Jamel Bel Haj Yahia (Iris Events), Lotfi Mansour (MCM), Naceur Mrabet (Artours Events), Arslene Ltaief (Imagine Events), Zied Maghrebi (Mövenpick Sousse et Mövenpick Gammarth), Mohamed Souissi (Groupe El Mouradi), Hédi Benzarti (The Residence)

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Grande Traversée du Dahar : premier produit de randonnée en Tunisie

La Grande Traversée du Dahar est le premier grand circuit de randonnée pédestre jamais lancé en Tunisie : 194 km en 12 étapes de Tamezret à Douiret, et bénéficiant d’un topoguide détaillé (en vente pour 45 dinars).

L’inauguration de ce circuit, prévue le 11 décembre, Journée Internationale de la Montagne, a été annoncée aujourd’hui lors d’une conférence de presse tenue au ministère du Tourisme.

Cette « mise en tourisme » des fabuleux paysages du Djebel Dahar est le fruit de la collaboration tuniso-suisse et notamment entre le SECO (Secrétariat de l’économie suisse), la fondation Swisscontact et l’ONTT.

Débutée en 2014, cette coopération a permis la création d’un DMO Dahar (Destination Management Organisation) sous forme de fédération professionnelle (la FTADD). Cette dernière affiche déjà deux distinctions internationales pour la destination, entrée dans le Top 100 de Green Destinations et finaliste en 3ème position du To Do Award.

Facteur de « diversification et décentralisation du tourisme tunisien » selon le représentant de l’ambassade de Suisse, le DMO Dahar et ce nouveau circuit contribuent aussi, selon Moez Belhassine, Ministre du Tourisme, au développement du tourisme intérieur. Nous attendons l’accueil qui lui sera réservé par nos agences de voyages et nos randonneurs.




Il y a 2000 ans, l’agriculture durable

On pratiquait déjà la permaculture dans les oasis de Tunisie il y a 2000 ans…

 

Au premier siècle de notre ère, un auteur latin, Pline l’Ancien, décrivait le principe de la culture sur plusieurs étages dans l’oasis de Gabès. Blé, légumes, arbres fruitiers cultivés sur la même parcelle à l’ombre des palmiers dattiers.

Un principe très semblable à ceux de la permaculture, système d’agriculture durable utilisant la biodiversité.

Lire plus sur TunisiaTourism : oasis, nos ancêtres faisaient de la permaculture !




Libérez le Musée du Bardo !

On a coutume de dire qu’il suffit aux chefs de montrer la bonne direction et que “l’intendance suivra”. Concernant le tourisme, j’ai eu la naïveté de penser et d’écrire qu’il nous suffisait d’avoir une ambition pour le secteur (et de nettoyer notre pays de ses ordures, au sens propre comme au figuré) pour que le reste suive. Apparemment la situation est plus compliquée qu’on ne le pense.

L’intendance, notamment du ministère de l’Intérieur, suit mais maladroitement. Quand on apprend par exemple que le musée du Bardo est fermé depuis le 25 juillet, qu’à l’aéroport de Monastir les clients des TO doivent attendre au moins une heure au parking “l’accompagnement de sécurité” après avoir subi l’attente du contrôle de police et celle des bagages, ou encore le traitement sans distinction (bouh 3la khuh) réservé à tout gérant d’entreprise en voyage, on se demande si, au ministère de l’Intérieur, on a bien intégré l’esprit et la finalité des décisions présidentielles du 25 juillet.

Ainsi donc le Bardo, premier musée du pays, est fermé depuis trois mois pour la simple raison qu’il jouxte le Parlement, en dépit du fait qu’il dispose d’une entrée indépendante. Une séparation quelconque dans la cour du musée telle qu’un mur éphémère n’aurait-elle pas suffi à nous épargner le gaspillage de dizaines de salaires et de milliers de dinars d’entrées*, un manque à gagner aussi important pour cause de voyages et visites annulés, et surtout une altération de l’image même du pays et de son tourisme avec ses deux principaux musées fermés (Carthage et Bardo) ?

En agissant ainsi, le ministère de l’Intérieur est-il certain d’apporter des réponses proportionnelles aux risques encourus ? N’utilise-t-il pas un marteau pour tuer une mouche ?

Lotfi Mansour

* L’AMVPPC, qui gère le Bardo, est un organisme au budget souvent déficitaire et qui vit grâce aux recettes des entrées des visiteurs et à une dotation de l’Etat d’une dizaine de millions de dinars.




Tourisme : la myopie des décideurs

Que de belles déclarations ces 20 dernières années en faveur du tourisme local, de l’Open Sky, du package dynamique, du tourisme durable, de la décentralisation, du PPP… ! Dans les faits, notre tourisme reste arrimé au vieux modèle du voyage à forfait et à un modèle de gouvernance “en déliquescence” selon les propos d’un ancien ministre. Nos décideurs peuvent plaider les circonstances atténuantes pour leur inertie : Covid, instabilité politique, crises internationales, manque de budget… Le constat n’en change que peu : sans réformes, au déclassement actuel de notre destination suivra sa disparition.

 

En 1960, Théodore Levitt publiait son fameux texte “Marketing Myopia” fustigeant les entreprises qui se sont mises en danger, ou ont disparu, du fait d’une vision étriquée de leur marché. Plus récemment, on a commencé à parler de “myopie managériale” pour dénoncer les actions à courte vue de certains responsables d’entreprises et organisations, en lien avec le raccourcissement de leurs mandats. Une “myopie qui limite la capacité des dirigeants à créer de la valeur à long terme” 1.

Le tourisme tunisien de ces vingt dernières années a subi cette double myopie : celle de ses entreprises restées insensibles à des tendances lourdes des marchés, et celle des ministres dont les mandats se sont réduits comme peau de chagrin d’année en année, et qui sont devenus ainsi incapables de réformes malgré la pléthore d’”études stratégiques” à leur disposition.

 

Cachez-moi ces marchés que je ne saurais voir

Parmi les tendances marquantes du tourisme mondial de ces 20 ou 30 dernières années, on peut citer l’apparition du low-cost et le poids pris par le tourisme intérieur dans l’économie touristique des pays.

En effet, le low-cost a touché de nombreux secteurs parmi lesquels le tourisme, avec l’apparition de tour-operators low-cost comme l’étaient par exemple Etapes Nouvelles ou Marmara, et d’une hôtellerie “petit budget” aussi bien sur le segment business que celui des loisirs. On peut mentionner aussi les auberges de jeunes new-look avec la montée en puissance du marché des jeunes estimé à 300 millions de voyageurs par l’OMT. Et c’est le développement des compagnies aériennes low-cost (mais aussi pour d’autres moyens de transport : bus, train…) associé à celui d’internet qui a créé une nouvelle demande pour le secteur (notamment le city-break et le court séjour) et l’apparition des packages dynamiques qui ont battu en brèche la suprématie des TO et favorisé l’apparition des grandes plateformes de réservation (OTA). Lesquelles compagnies low-cost n’auraient pu se développer sans les accords Open Sky qui leur permettaient d’aller outre les accords bilatéraux pour desservir un plus grand nombre de destinations.

Rien de tel chez nous, puisque au même moment nous avons décidé, souvent sous la pression des TO, de construire plus d’hôtels resorts de catégorie supérieure, plus de lits pour les hôtels existants à coup d’extensions, et de quadrupler en même temps le coût de construction d’un lit en moins de 20 ans. En cela nos managers ont été des “cost inflators” et non des “cost killers”, nous privant ainsi d’une grande partie de la demande et notamment celle des locaux, des Maghrébins et des jeunes aussi bien nationaux qu’étrangers.

Contrairement à ce que peut laisser penser le brouhaha médiatique au sujet des maisons d’hôtes et autres gîtes ruraux, l’hébergement touristique s’est encore plus amarré au modèle industriel des tour-operators par une massification accrue : le nombre d’hôtels dont la capacité est située entre 700 et 1000 lits (soit la capacité de 150 à 200 maisons d’hôtes pour un seul hôtel) n’a cessé d’augmenter, passant de 18 en 2000 à 58 en 2019.

Cette augmentation n’a pas cessé depuis 2010 et la crise du tourisme qui s’en est suivi : à Djerba par exemple, on est passé de 10 hôtels de cette capacité en 2010 à 18 en 2019, malgré une quasi stagnation de la capacité totale de la région (52 000 lits en 2010 contre 53 000 lits en 2019) et un recul de la capacité totale du pays (241 000 lits en 2010 et 236 015 lits en 2019).

Pour ce qui est de l’Open Sky, on peut parler d’un vrai aveuglement à ce propos. En effet, si nous nous comparons à notre voisin et néanmoins concurrent marocain, avant 2004 les arrivées de touristes en Tunisie étaient supérieures à celles du Maroc2. L’entrée en vigueur partielle de l’Open Sky au Maroc entre 2004 et 2006 a permis aux arrivées marocaines d’égaler celles de la Tunisie pour les dépasser définitivement dès 2007, un an seulement après l’entrée en vigueur effective de l’Open Sky. Désormais la Tunisie ne joue plus dans la même catégorie que son voisin.

En conséquence, le tourisme marocain recevait ces dernières années 6 fois plus d’investissement que le tunisien. En termes de capacité hôtelière, cela se traduit par une baisse de notre capacité hôtelière de 5000 lits entre 2010 et 2019 (passant de 241 000 à 236 000) contre une hausse marocaine de quelque 100 000 lits (à 270 000 lits au lieu de 176 000, avec des prévisions de 294 000 lits en 2022).

Vingt ans de tergiversations qui n’ont même pas servi à préparer nos entreprises touristiques ni Tunisair à l’Open Sky. Bien au contraire : à la dépendance de nos hôtels et réceptifs vis-à-vis des TO s’est ajoutée celle vis-à-vis des OTA, très peu de nos entreprises se sont convertis à l’e-tourisme et Tunisair n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été au début de ce siècle. Quant au projet de créer, en vue de l’Open Sky, des navettes entre nos aéroports et les principales villes touristiques, il n’est même plus à l’ordre du jour.

 

Génération Club Med

Au niveau des pays, à travers le monde, le marché intérieur devient stratégique et garant de la pérennité du secteur et de ses emplois (en moyenne, le tourisme intérieur représente au sein des pays de l’OCDE 75% de l’activité liée au tourisme) : il est promu, soutenu et protégé. Pour les gouvernements, le marché intérieur est essentiel pour l’économie du secteur ; ils ont veillé jusqu’ici à “protéger” leur balance touristique et à élargir la consommation touristique au plus grand nombre de leur citoyens (chèques vacances, offres dédiées, tourisme social…).

La crise du Covid n’a fait que confirmer cette tendance ; les pays européens sont passés de la protection au protectionnisme.

Chez nous, on fantasme sur le Club Med pour en créer de pâles copies ; mais aucun Pierre & Vacances-Center Parcs. Face au challenge de faire passer le poids du tourisme intérieur de ses 15%-20% actuels aux 40%-50% souhaités, notre administration croit pouvoir y parvenir par une campagne de promotion une fois l’an, et nos professionnels par des rabais pendant les saisons de vaches maigres.

Aucune réflexion pour un produit adapté aux Tunisiens et à la portée de sa bourse, sinon l’appel aux Tunisiens à s’endetter auprès des banques pour leurs vacances ou la proposition (de la FTH) de confier les chèques vacances aux émetteurs de chèques restaurants, créant ainsi un nouvel intermédiaire dont la commission de décaissement (10%) viendrait renchérir le prix de vente au consommateur.

Tout se passe comme si nous voulions, pour élargir le marché local, faire “de l’innovation inversée à l’envers”. En effet, si nous connaissons dans le monde des expériences de “reverse innovation” – des produits conçus par des firmes occidentales pour des pays émergents (donc des produits low-cost, comme certains modèles de voitures) et ensuite commercialisés avec succès dans les pays développés auprès de consommateurs à budget modeste – nous voulons, nous, imposer au Tunisien des produits conçus à la base pour des Européens en nous plaignant à longueur de journée que “le Tunisien n’est pas adapté à nos hôtels”.

On laisse aux sociologues le soin d’analyser cette aberration des “hôtels halal” ou “d’anti-hôtels” mais qui ont tout de même réussi à se créer une clientèle.

Quant à la FTAV, elle s’est muée ces dernières années (conformément aux profils de ses présidents) en une sorte de lobby pour l’outgoing – destinations agrément et shopping pour les plus aisés et omra et hadj pour les autres. Entre 2010 et 2019, en pleine crise du tourisme réceptif, de marasme économique et de baisse du pouvoir d’achat, on a assisté au doublement des voyages des Tunisiens à l’étranger (de 1,35 millions à 2,78 millions) ; de quoi fragiliser encore plus la balance touristique et celle des paiements.

 

Libérer les régions

Au nombre de nos cécités, on peut ajouter encore la réticence de notre administration à toute décentralisation pour permettre un essor touristique des régions. Le partenariat public/privé, le dialogue administration/professionnels et le renforcement de l’autonomie des régions touristiques, prônés à longueur de discours et de rapports, n’ont aucun sens si la prise de décision n’est pas transférée en partie du moins à l’échelon régional ou local.

A cet effet, la création d’offices de tourisme régionaux, en remplacement des actuels Commissariats de Tourisme dépourvus de moyens humains et financiers, est encore plus nécessaire que la transformation de l’ONTT en Agence de promotion.

Mais un tel changement dans la gouvernance du secteur ne peut réussir avec des professionnels réfractaires à toute collaboration ou regroupement (en chaines volontaires, réseaux ou autres). A ce propos, le constat de la Banque Mondiale en 2002 reste de mise : “L’esprit des hôteliers tunisiens est caractérisé par un fort degré d’indépendance qui révèle peu de solidarité professionnelle mais davantage de concurrence”.

Un constat valable aussi pour les agences de voyages. Aucun programme incitatif au regroupement et à la collaboration entre professionnels n’est à l’ordre du jour. Les tentatives d’institutions internationales dans ce sens (la BERD) sont restées vaines, alors que des “clusters” d’artisans ont pu voir le jour.

Les DMO régionaux en cours de création actuellement par le programme Tounes Wejhatouna sont voués à une mort certaine à la fin du financement que leur procure le programme européen. Pourquoi un tel gâchis ? Pourquoi ces DMO ne serviraient-ils pas de projets pilotes pour de futurs offices de tourisme régionaux qui seraient financés par la taxe d’hébergement ? (lire notre article : I Want my money back).

Th. Levitt disait aussi que “le futur appartient à ceux qui voient les possibilités avant qu’elles ne deviennent évidentes.” Les décisions que nous prendrons dans les prochains mois nous diront si notre futur n’est pas déjà derrière nous.

Lotfi Mansour

(1) Etude de la relation entre durée prévue du mandat des PDG et résultats de l’entreprise. M. Antia et Ch. Pantzalis (University of South Florida), J.CH. Park (Louisiana Tech University). redd.nbs.net octobre 2011.

(2) Voir “La révolution inachevée”, Banque Mondiale 2014.




Moez Belhassine, Ministre du Tourisme

Moez Belhassine, jusque-là Directeur Général de l’ONTT, est nommé Ministre du Tourisme. Un changement qui a le mérite d’atténuer les effets du turnover vécu jusque-là par le ministère du Tourisme, où le mandat des ministres se compte souvent en mois.

Une nomination qui ne devrait pas être synonyme de continuité, puisque le secteur est en attente de réformes qui n’ont que trop attendu, dont celle de l’ONTT lui-même.