Workshop FTH : en attendant le CST…

Les résultats de l’étude KPMG, dévoilée mardi 18 juin lors du Workshop de la FTH « Le tourisme, moteur de croissance », sont une première en Tunisie, même s’ils tendent à confirmer ce que tous les observateurs du secteur supputaient depuis si longtemps.

 

La contribution du tourisme à l’économie nationale est sous-estimée, même dans sa composante directe. Celle-ci ne serait pas de 4,1% comme estimé par notre comptabilité nationale, mais de 8,6%.

Toujours selon l’étude de KPMG, la contribution globale du secteur au PIB (directe, indirecte et induite) serait de 13,03% en 2017. On peut remarquer que cette estimation  rejoint peu ou prou celle du World Travel & Tourism Council, à savoir 14,2% pour la même année.
En 2019, l’étude prévoit une contribution globale du tourisme de 14,2%.

Ces chiffres semblent avoir convaincu les décideurs et ministres présents, et à leur tête le Chef du Gouvernement qui a tenu à affirmer l’engagement de l’Etat en faveur du tourisme et a appelé à un partenariat Etat-secteur privé.
Mission accomplie donc pour la FTH qui a su aller au-delà des intérêts de ses affiliés pour réaliser une étude attendue par l’ensemble des acteurs du tourisme tunisien.

Cependant, l’effort de la FTH n’est pas allé jusqu’à convaincre le Chef du Gouvernement d’annoncer la mise en œuvre effective du Compte satellite du Tourisme (CST).

« L’élaboration d’un CST de la Tunisie apparaît particulièrement indispensable et urgente », concluait en 2002 un rapport du même KPMG commandé par la Banque Mondiale.
En 2010, le gouvernement tunisien décida le lancement du CST. Nous espérons que sa mise en œuvre sera enfin annoncée.

Lotfi Mansour

L’arrivée du Chef du Gouvernement Youssef Chahed à l’UTICA pour présider le workshop.
Il est accompagné par (de droite à g.) le Ministre du Tourisme René Trabelsi, le Président de la FTH Khaled Fakhfakh, le vice-président de l’UTICA Hichem Elloumi et le président de la FRH Djerba Jalel Henchiri

workshopFTH-2




Réformer le tourisme tunisien : un livre pour le dire

A moins d’être réformé, le tourisme tunisien est voué à un recul certain. Pour qu’il survive, il faut enterrer nos anciens modes de gestion et de promotion, explique ici Lotfi Mansour qui vient d’y consacrer un livre sous le titre «Le tourisme est mort, vive le tourisme !».

 

L’année 2015 était une vraie «annus horribilis» pour qui suit le tourisme tunisien. D’abord, il y a eu ce cri – «Le tourisme est mort ! c’en est fini du tourisme !» – d’un agent de voyages tunisien après l’attentat du Bardo. Un cri qui a suscité chez nous de nombreuses protestations indignées à l’encontre du journal Libération qui l’avait rapporté.

Ensuite, il y a eu la publication de l’index de compétitivité du tourisme par le Forum Economique mondial où la Tunisie est classée au 133e rang sur 144 pays pour la gestion de son image. Enfin, on a eu droit à l’attentat de Sousse, suivi des chiffres du World Travel & Tourism Council qui prédisaient un recul certain du tourisme tunisien à l’orée de 2026…

Comment répondre à autant de mauvaises nouvelles quand on a vécu les 20 dernières années par et pour le tourisme ? Que faire quand elles émanent d’institutions aussi crédibles que le Forum de Davos et le WTTC ? Mon choix a été de commencer un voyage à travers les chiffres et les politiques menées depuis une vingtaine d’années pour y voir clair. Un voyage qui a abouti à ce livre, «Le tourisme est mort, vive le tourisme !» et qui s’est construit autour des constatations suivantes :

  • nous ne connaissons pas grand chose du poids réel de notre secteur faute d’un Compte Satellite du Tourisme (CST), recommandé depuis 2002 et dont l’instauration est «décidée» depuis 2010. L’OMT (Organisation Mondiale du Tourisme) semble avoir tiré les conclusions d’une telle mauvaise volonté de la Tunisie puisqu’elle a choisi, en février dernier, l’Algérie pour le lancement de son premier programme de renforcement des capacités statistiques au Maghreb. Laquelle Algérie s’engage à mettre en œuvre le CST d’ici 2019 ;
  • les signes d’essoufflement du tourisme tunisien datent bien du début des années 2000, avec une baisse continue de la durée de séjour qui est passée en dessous de la barre des 5 jours en 2009 pour tomber à 2,7 jours en 2015. Une baisse qui touche aussi bien les Européens que les Maghrébins, et notamment les Algériens dont la durée de séjour est passée de 1,6 en 2009 à 0,9 jours en 2015. La Tunisie est de moins en moins capable de retenir ses visiteurs ou, comme le diagnostiquent les spécialistes, elle perd de son «attractivité», une notion mesurable et qui se trouve aujourd’hui au cœur des politiques touristiques des grandes destinations. La mollesse des politiques menées depuis 20 ans n’a pas pu créer une croissance suffisante pour compenser cette baisse de la durée de séjour et son corollaire, la stagnation sinon le recul des recettes touristiques.

D’où les propositions :

  • une meilleure mesure de l’impact économique du secteur et l’adoption rapide du Compte Satellite du Tourisme ;
  • un objectif de croissance au moins égal à celui de nos principaux concurrents pour les 10 prochaines années ;
  • un engagement dans le e-tourisme ;
  • un nouveau pacte de gouvernance du secteur pour une amélioration de sa compétitivité, un pacte qui suppose de remettre au centre de notre action l’amélioration de l’attractivité de la destination et des régions. Une telle amélioration passerait par une meilleure visibilité de l’offre culturelle, la création de marques-régions et le développement des filières.

Quid du plan de développement 2016-2020 annoncé par le Ministère du Tourisme ?

Malheureusement, l’optimisme affiché par ce plan, qui suppose une croissance de 14% par an des arrivées de touristes, est déjà mis à mal par les résultats de l’année 2016 où les arrivées n’augmentent que de 6% (malgré une année 2015 catastrophique) tandis que le secteur, selon la BCT, enregistre en 2015 et en 2016, et pour la première fois de son histoire, une contribution négative au PIB (–0,5% et –0,1%).

Lotfi Mansour

 

«Le tourisme est mort, vive le tourisme !» par Lotfi Mansour
Publié par Dad éditions, prix : 19,500 DT.
En vente à partir du 16 mars dans toutes les bonnes librairies ou auprès de MCM (port gratuit), tél. : 70 858 244/246.