« Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne »

Le 8 juin, Nissaf Ben Alaya, Directrice de l’Observatoire des maladies nouvelles et émergentes, parlait déjà de l’éventualité de « circuits contrôlés » pour les touristes. Devant le tollé suscité par cette déclaration, le Ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Mohamed Ali Toumi, réagissait le 9 juin sur Shems Fm : « Ça n’a pas de sens qu’un touriste ne sorte pas de l’hôtel, reste à savoir comment ».

Le 14 juin, le Chef du Gouvernement, Elyes Fakhfakh, à la question de savoir si le touriste pourrait se promener sur la plage ou à côté de l’hôtel, répondait : « Le touriste restera à l’hôtel. Il restera à l’hôtel, je lui interdirai [de sortir], il ne sortira que pour un circuit encadré sans aucun contact [avec les locaux] et n’ira pas non plus dans les souks ».

Par cette déclaration, notre Chef du Gouvernement a inventé “le touriste qui ne fait pas de tourisme” et nous attendons toujours la réaction du Ministre du Tourisme et de l’Artisanat.

L’ancien ministre français J.-P. Chevènement disait : « Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démissionne ». Manifestement, notre Ministre du Tourisme et de l’Artisanat a choisi de « fermer sa gueule ».

Lotfi Mansour

 

 




Discours de Fakhfakh : est-ce la rupture ?

Si la quasi-totalité des secteurs économiques du pays souffrent du Covid19, certains sont asymptomatiques ou se portent mieux qu’avant : agro-alimentaire, laboratoires… D’autres secteurs ont besoin de paracétamol. Le Tourisme, lui, est en détresse respiratoire ; pourtant le gouvernement regarde ailleurs.

 

La situation des entreprises du Tourisme est catastrophique, et elle le sera longtemps après le déconfinement. Dans le meilleur des cas, le retour partiel de l’activité à la fin de cet été/début de l’automne se fera à un prix de vente équivalent au coût marginal, puisque les TO demandent déjà des rabais de 50% pour l’été et de 30% pour l’arrière-saison.
Dans ces conditions, il sera moins coûteux pour nos hôtels de garder portes closes.

Oui, nos entreprises du Tourisme ne sont pas exemplaires à tous points de vue. Mais ce sont ces entreprises qui ont permis l’embellie relative de l’économie tunisienne et de sa balance des paiements en 2019.
Ce sont ces entreprises qui ont le plus contribué à la croissance de l’année dernière, aussi minime soit-elle, et ce sont elles qui accompagneront et boosteront demain la reprise économique du pays.

La dernière interview du Ministre du Tourisme sur El Hiwar laissait espérer (enfin !) l’annonce de mesures concrètes pour soulager un tant soit peu nos entreprises. Pourtant, point de mesures dans le discours d’hier soir du Chef du Gouvernement.
Mais le pire est que le Chef du Gouvernement n’a même pas daigné proférer un seul mot d’encouragement ou de consolation (faut-il dire de condoléances…) à l’égard de ces entreprises.
Pas un mot de remerciement pour les milliers de chambres mises à la disposition du Ministère de la Santé (même si certains de nos hôteliers ont manqué de spontanéité à cet égard). Mais beaucoup de passion à défendre des comportements peu vertueux qui défraient actuellement l’actualité.

Nous craignons que ce discours du Chef du Gouvernement soit celui de la rupture avec un secteur essentiel pour notre pays.
Nous craignons qu’il soit le reflet de l’état d’esprit d’une frange de nos politiciens qui considèrent que quoi qu’elles fassent, en temps de crise ou de croissance, les entreprises du Tourisme n’ont aucun mérite à le faire, ni considération à en attendre.
Nous craignons qu’un tel manque d’empathie envers un secteur des plus sinistrés n’entame la confiance des entreprises touristiques dans le gouvernement et dans l’avenir du secteur. Une perte de confiance dont la première conséquence sera un coup d’arrêt aux investissements, notamment pour la rénovation d’un parc hôtelier devenu obsolète.

Un tel coup d’arrêt, s’il advient, signera l’échec de toute tentative de réforme ou stratégie de relance du Tourisme tunisien.

Lotfi Mansour