« Je reproche au Ministre de ne pas s’occuper du secteur »

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En Angleterre, le gouvernement vient de dissoudre le ministère du Tourisme dans un grand ministère chargé de la culture, du sport et des media. Cette décision a provoqué la colère des professionnels anglais du tourisme qui réclament un ministère à part entière pour leur secteur. Qu’en pensez-vous ?

Mohamed Belajouza
Moi, je me pose la question de savoir si, avec les 4 millions de touristes européens que nous recevons annuellement, nous avions vraiment besoin, en plus de l’Office du tourisme qui compte quelque 1300 personnes, d’un ministère comptant une quarantaine de personnes. Je dis quatre millions de touristes car si je me réjouis, en tant que Tunisien, de l’arrivée de nos frères libyens et algériens pour leurs vacances, en tant que professionnel, je dois admettre qu’ils n’ont que peu d’effet sur nos établissements.
Il faut aussi préciser qu’en l’absence d’une clarification des rôles du ministère et de l’Office, on assiste souvent à des tensions entre les deux structures dont nous sommes généralement les premières victimes.
Par ailleurs, un ministre est censé développer et défendre son secteur. Nous constatons que l’actuel responsable du portefeuille du Tourisme n’a cessé, depuis son arrivée, de dire du mal de ses entreprises et de ses professionnels.
Faut-il aussi rappeler que, durant les cinq dernières années, nous avons vu la nomination de cinq ministres successifs et que nous avons dû reprendre avec chacun le travail d’initiation et d’explication effectué avec son prédécesseur ? Cette grande mobilité des ministres, soumis à des impératifs politiques des gouvernements, et donc aux remaniements ministériels fréquents, ajoute à la fragilité d’un secteur qui a besoin de stabilité et de constance. C’est pour toutes ces raisons que nous demandons à ce que le secteur soit supervisé par l’ONTT, en attendant que celui-ci procède à sa réforme tant attendue.
Quand on sait que l’Angleterre n’a plus de ministère du Tourisme et que la France, première destination mondiale avec 70 millions de touristes par an, ne possède qu’un secrétariat d’Etat non dédié exclusivement au tourisme, on se demande comment nous pouvons nous payer le luxe d’un ministère.
En parlant de la dette des hôteliers, monsieur le Ministre a cru bon de vous déclarer (Le Tourisme n°8, ndlr) que cette dette ne devait pas être réglée par le contribuable. Nous ne demandons pas cela ; mais nous constatons que le contribuable est en train de payer les frais d’un ministère qui ne sert à rien.

Apparemment, la rupture est consommée entre les fédérations professionnelles et le ministère. Qu’est-ce qui s’est exactement passé entre vous ?

M. Belajouza
Ce que nous reprochons à ce ministre, c’est qu’il ne s’occupe pas du secteur et qu’il n’a traité aucun dossier depuis son arrivée…

Pourtant, le ministère vient d’annoncer dans nos colonnes le règlement prochain du dossier de l’endettement par la création d’une société de gestion d’actifs, et le renflouement du budget de promotion par l’instauration d’une taxe sur le chiffre d’affaires des compagnies aériennes. Ne s’agit-il pas plutôt entre vous d’un problème d’incompatibilité d’humeur ?

M. Belajouza
J’y arrive. Les annonces qui vous ont été faites font partie de la stratégie du ministre. Il se spécialise dans les déclarations fracassantes qui restent sans suite, puisqu’elles sont faites sans concertation ni consultation. Pour les mesures dont vous parlez, nous les avons apprises par voie de presse. Je n’ai été informé de la création de la société de gestion d’actifs que par un écrit de la Banque mondiale, que j’ai reçu une semaine après l’annonce faite par le ministre. Celui-ci, suite à ma demande de recevoir plus de détails concernant cette société, m’a répondu qu’il m’en fournirait « en temps opportun ». Et il semble que ce temps n’est pas encore arrivé.
D’ailleurs, je me demande ce que vient faire un ministre du Tourisme dans un dossier qui ne concerne que les hôteliers et les banques créancières. La FTH a toujours été partie prenante de ce dossier dans les discussions et les réunions que présidait la Banque Centrale.
Concernant l’autre annonce – la taxe sur les compagnies aériennes – je me suis réjoui en l’apprenant, et j’ai immédiatement appelé le pdg de Tunisair pour le remercier de cette décision. Grande a été ma surprise en apprenant que ni M. Jrad, ni le ministre du Transport n’étaient au courant de cette décision. Voilà donc encore un exemple de la manière de faire de ce ministre.
A ce sujet, nous venons d’être invité par le ministère des Finances à une réunion d’échange de points de vue, et nous avons présenté notre idée d’une taxe de séjour que paieraient les visiteurs en soutien au budget de promotion. Le ministère des Finances a été fort intéressé par cette idée et vient de constituer une commission pour étudier les conditions d’application d’une telle taxe. On voit donc bien que le ministère du Tourisme n’était pas le bon interlocuteur pour faire avancer ce dossier.
Ceci renforce ma conviction que le ministère du Tourisme ne sert à rien, sinon à empêcher le renforcement de la profession. Car les gouvernements successifs ont toujours voulu une FTH aux ordres et des professionnels en position de faiblesse, et c’est dans ce sens que le ministre a raison de parler d’assistanat.
Les seules ressources de la FTH viennent des cotisations, qui ne sont là que les années où il y a une élection au sein de la fédération. On nous a enlevé les versements de notre part des cotisations patronales, que nous avions reçues deux fois avant la Révolution, et que reçoivent naturellement les autres syndicats patronaux. On rechigne aussi à nous verser la subvention qui nous a été promise pour finir la construction de notre nouveau siège. Et on nous refuse une subvention via le Fodec qui est alimenté par notre argent.
Finalement, il est clair qu’on veut nous maintenir dans un état de dépendance, en ignorant le fait qu’une fédération faible rejaillirait négativement sur l’ensemble du secteur.

Propos recueillis par Lotfi Mansour




Bientôt un plan de redressement pour Tunisair

Silencieux depuis son arrivée à la tête de Tunisair, Rabah Jrad semble décidé à prendre la parole ; notamment pour défendre le plan de redressement qu’il proposera bientôt au gouvernement. Aux grands maux, les grands remèdes : ce plan mettra à contribution l’Etat pour assainir la dette de Tunisair (envers l’OACA, la CNSS…) et n’exclura pas un plan social que Rabah Jrad qualifie d’inévitable. Cette interview, la première qu’il accorde depuis sa prise de fonction, est aussi l’occasion pour R. Jrad d’afficher ses convictions en s’opposant sans nuance à la taxe sur le chiffre d’affaires des compagnies aériennes annoncée par le Ministre du Tourisme, et de soutenir, même s’il le fait indirectement, ses cadres impliqués dans l’affaire des « emplois fictifs ».

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Le ministre du Tourisme a annoncé l’adoption de principe d’une taxe sur le chiffre d’affaires des compagnies aériennes nationales pour renflouer le budget de promotion du Tourisme. Qu’en pensez-vous ?

Rabah Jrad
Je n’étais pas au courant de cette décision. En apprenant cette nouvelle, j’en ai parlé avec le ministre du Transport qui n’en était pas informé non plus, et il en est de même pour le ministre des Finances.

Comment un ministre peut-il avancer une telle information en parlant d’un accord de principe au sein du gouvernement sans que ce soit vraiment le cas ?

R. J. Ce que j’ai compris, c’est qu’il comptait inclure cette taxe dans la loi des Finances de 2013. Cependant, pour ce faire, il aurait fallu que les partenaires et les ministères concernés en discutent et soient d’accord.
Pour nous, un pavillon qui est déjà sinistré ne doit pas subir en plus une taxe supplémentaire. Le taux évoqué, de 1% du chiffre d’affaires, représenterait 25% de notre marge bénéficiaire. Cela revient à dire que nous paierons un impôt sur les bénéfices majoré de 25%, soit une taxation de 55%, ce qui est impensable.

Vous n’êtes donc pas d’accord sur le taux de cette taxe ni sur le moment de son application. Etes-vous aussi contre le principe même d’une telle taxe ?

R. J. Nous sommes partenaires du secteur touristique et nous le soutenons par divers avantages, dont un millier de billets de transport gratuits par an. Par ailleurs, il n’est pas équitable de taxer les compagnies nationales au moment où elles s’apprêtent, avec l’Open Sky, à entrer dans une phase de concurrence accrue avec les compagnies étrangères – qui, elles, n’auront pas à subir cette taxe.

Selon vous, qu’est-ce qui pousse un ministre à faire de telles annonces ?

R. J. Je ne sais pas. Peut-être veut-il alléger le budget de l’Etat, et pense-t-il que la totalité du chiffre d’affaires des compagnies aériennes est faite dans le tourisme. Tunisair ne tire aujourd’hui que 20% à 25% de son chiffre d’affaires de l’activité touristique ; le reste, c’est du trafic régulier.

Je pose ma question autrement. Si on vous propose une taxe de 0,5% applicable dans 5 ans, qu’en penserez-vous ?

R. J. On verra à ce moment-là. Actuellement, Tunisair se consacre à la préparation d’un plan de redressement sur cinq années soutenu par l’Etat afin d’assainir sa situation. Ce plan sera proposé à l’approbation de l’Etat très prochainement. Nous en avons déjà informé le chef du gouvernement et le ministre du Transport.

Quels sont les grands axes de ce plan ? Prévoit-il une diminution des effectifs de Tunisair ?

R. J. C’est inévitable, il n’y a pas d’autres choix. D’ailleurs, nous avons déjà arrêté tout recrutement pour 2012.

Au-delà de cette réduction du personnel, quelles autres mesures comptez-vous proposer ?

R. J. Nous n’allons pas dévoiler le plan de redressement avant qu’il ne soit approuvé par le gouvernement. Mais parmi les points proposés, il y a le problème de la dette de Tunisair que nous voulons assainir avec le soutien de l’Etat. Ce dernier devrait aussi financer le plan de restructuration de l’entreprise, comme il devrait accorder son aide à la mesure des services publics rendus par Tunisair.

Globalement, comment jugez-vous la relation avec votre actionnaire principal, l’Etat ?

R. J. Notre ministre est conscient des enjeux qui se posent à la compagnie, le chef du gouvernement aussi. Et nous sommes tous d’accord pour dire qu’il nous faut des mesures courageuses pour sortir la compagnie de ses difficultés devenues structurelles.

Pensez-vous que la mise en place de ce plan est une affaire de semaines, de mois ou d’années ?

R. J. Normalement, nous devrions nous mettre d’accord avec le gouvernement sur l’ensemble du plan avant la fin de cette année, et son application s’étalerait sur deux ans.

Ce sera avant les élections ou après ?

R. J. Nous, nous demandons que ce soit avant les élections pour ne pas perdre une année.

En attendant ce plan, comment va Tunisair aujourd’hui ?

R. J. Elle va mieux qu’avant ; nous avons essayé, avec un certain succès, de comprimer les dépenses et d’améliorer nos recettes.

Je vais quand même vous poser la question des emplois fictifs. Trouvez-vous normal et équitable que des cadres de la compagnie soient écartés de leurs postes, sinon emprisonnés, sur un simple soupçon d’emploi fictif qu’ils n’ont ni décidé, ni approuvé ?

R. J. Il faut poser cette question à la Justice.

On reproche à ces cadres de n’avoir pas signalé ces disfonctionnements. Pensez-vous que, demain, on pourrait vous reprocher la même chose à propos d’autres emplois fictifs qui existeraient aujourd’hui au sein de Tunisair ?

R. J. C’est tout à fait plausible. Quand on a 8500 agents, on est dans l’incapacité de les superviser tous personnellement et de s’assurer qu’ils sont tous effectivement actifs. Nous avons des agents inactifs chez Tunisair, et d’ailleurs le gouvernement lui-même a reconnu en avoir parmi les 78 000 agents des chantiers municipaux.

Propos recueillis par Lotfi Mansour




Créer une demande nouvelle sur la Tunisie

Transavia-avion

La conférence de presse tenue lundi 24 septembre par Transavia.com, aux Berges du Lac à Tunis, a été l’occasion pour ses dirigeants de rappeler la bonne santé de la compagnie. Bénéficiaire depuis sa création, elle affiche 1,675 millions de passagers depuis le lancement de son premier vol sur la destination en 2007.
La filiale du groupe Air France-KLM fait état pour les 8 premiers mois de cette année d’une augmentation de son trafic sur la Tunisie de 24% par rapport à la même période en 2011 (1,5% par rapport à 2010) avec 1577 vols pour 232 500 sièges vendus. La compagnie a annoncé par la même occasion un partenariat commercial avec la société Kars (dirigée par Moncef Kehlil) qui lui permettra de vendre des billets en dinars aux aéroports de Tunis, Djerba, Monastir et Tozeur.
Avec le lancement du Paris/Tunis et la relance du vol vers Tozeur, le programme de Transavia sur la Tunisie pour l’hiver 2012-2013 s’établit comme suit :
– Djerba au départ de Paris Orly-Sud avec un vol quotidien sauf le samedi,
– Monastir au départ de Paris Orly-Sud avec un vol quotidien, et au départ de Lyon avec deux vols hebdomadaires tous les lundis et vendredis,
– Tozeur au départ de Paris avec deux vols hebdomadaires tous les lundis et jeudis (octobre à juin seulement),
– Tunis au départ de Paris avec quatre vols hebdomadaires, tous les lundis, mercredis, vendredis et dimanches.
Concernant les objectifs de Transavia sur le marché tunisien, notamment sur Tunis où règne déjà une forte concurrence, L. Guérin a souligné que sa compagnie comptait essentiellement sur la « demande d’induction » – celle que créera le prix attractif du billet, qu’il estime à 85 euros en moyenne. Cette nouvelle demande créée par le prix bas « a représenté 80% de notre trafic lors de l’ouverture de la ligne sur Porto en 2007 », a-t-il affirmé.
A notre question sur la reconduction de l’accord de soutien financier accordé l’année dernière à la ligne Paris-Tozeur par la partie tunisienne, Hélène Abraham, vice-présidente de transavia.com chargée du commercial, du marketing et du produit, a précisé que cet accord « est en cours de discussion » et qu’« au-delà d’un soutien financier qui ne couvrira que le déficit de cette ligne, Transavia souhaite un véritable partenariat avec l’ONTT pour relancer cette destination ».
Dans une déclaration récente à notre confrère Tour Hebdo, H. Abraham avait établi le bilan de la ligne Paris-Tozeur à 10 000 clients pour l’hiver 2011-2012 « soit autant que sur l’hiver 2009-2010 ».

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De gauche à droite : Hélène Abraham, Lionel Guérin et Moncef Kehlil.




Thalasso mention très bien

Les deux centres de Djerba Ulysse Thalasso & Spa et Athénée Thalasso & Spa viennent de recevoir le label Spa-A. Ils rejoignent ainsi un cercle très fermé de 25 spas en France et dans le monde, labellisés sur la base d’une charte de qualité par l’association Spa-A qui regroupe depuis 2010 des professionnels du bien-être.

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Une maison inachevée

L’immeuble censé réunir les deux fédérations professionnelles, conçu gratuitement par l’architecte Wassim Ben Mahmoud, comprend cinq étages, dont deux initialement destinés à être loués à l’ONTT ; actuellement, celui-ci paierait 4 millions de dinars annuels en loyers.
L’arrêt du chantier de la “Maison du Tourisme” alimenterait les tensions actuelles entre le ministère du Tourisme et les fédérations professionnelles. En effet, l’histoire de ce projet est celle d’une promesse de subvention faite par l’ancien président Ben Ali, et que l’actuel gouvernement ne semble pas pressé d’honorer.
Tout commence en 2009 avec la mise à la disposition de la FTH du terrain situé au Centre Urbain Nord. L’installation dans cette zone où se trouvent des banques et d’autres entreprises connues a valorisé le terrain, et a suscité, semble-t-il, la convoitise de gens proches du pouvoir.
A l’époque, pour couper court à ces convoitises, le président de la FTH décide de « rendre le projet irréversible » en commençant sa réalisation sur la base d’un financement où les fonds propres représentaient 40% du total. Voyant qu’au même moment, l’UTICA et d’autres organismes ont bénéficié de subventions de l’Etat pour construire leur nouveau siège, la FTH en fait la demande au même titre que les autres organisations patronales. C’est ainsi que Mohamed Belajouza, président de la FTH, fut reçu par l’ancien chef de l’Etat en présence du Premier Ministre et de son ministre du Tourisme. Et c’est lors de cette réunion que le chef de l’Etat avait donné ses instructions pour octroyer une subvention de 2 millions de dinars à la FTH, en complément des fonds propres apportés.
Plus que ça : le chef de l’Etat avait donné des instructions pour rendre la FTH propriétaire du terrain afin de faciliter l’obtention des crédits bancaires complétant le financement.
Devant de tels engagements de la part du Président de la République, M. Belajouza déclare avoir « pris pour acquis l’octroi de la subvention ». Et c’est ainsi que l’ancien siège de la FTH fut vendu et, en association avec la FTAV, la somme de 1,2 millions de dinars a pu être rassemblée pour débuter les travaux. Des travaux qui se sont arrêtés net avec la Révolution.
Depuis, la FTH est restée sans nouvelles concernant la fameuse subvention. Pire, la Fédération s’est vu retirer les versements des cotisations patronales dont elle commençait à bénéficier avant la Révolution.
La continuité de l’Etat ne semble donc pas valable pour les fédérations du Tourisme.




IFTM Paris

Le salon IFTM, tenu à Paris du 18 au 21 septembre, a reçu 28 788 professionnels du tourisme (+ 3,7% par rapport à la précédente édition). Il s’annonçait pour la Tunisie comme  le point de départ de la reconquête du marché français et a fini par tourner court. Dans les couloirs du salon et devant le magnifique stand tunisien, il était plus question de politique que de business. Les nombreux professionnels tunisiens présents ont dû faire face au scepticisme de leurs interlocuteurs qui n’étaient pas nombreux à confirmer leurs rendez-vous. La prochaine édition se tiendra du 24 au 27 septembre 2013.

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Les trois compagnies aériennes tunisiennes ont répondu présent.
Tunisair était représentée par le staff de Paris auquel se sont joints le PDG Rabeh Jrad ainsi que
la directrice de la communication Soulefa Mkadem.

De nombreux professionnels tunisiens ont préféré annuler leur déplacement à Paris suite à l’attaque de l’ambassade américaine, comme en témoigne la quarantaine de badges non réclamés.




Et pourtant elle tourne !

Malgré l’inconsistance d’une assemblée prétendument nationale, et l’incompétence d’un gouvernement dont la seule constante a été de ménager ceux qui ne cessent de menacer la stabilité du pays et la sécurité de ses habitants ; malgré l’envahissement de nos villes par les ordures, et de nos médias par les débats débiles d’un autre âge ; malgré notre déprime entretenue par les déclarations d’un Rached Ghannouchi ou d’un Abou Yaareb El Marzouki ; malgré notre crise économique et celle sévissant sur nos marchés émetteurs ; malgré l’inflation monétaire, et celle des nominations de gens d’Ennahda dans l’appareil de l’Etat et l’administration ; malgré les reniements par Ennahda de ses engagements d’avant le 23 octobre 2011 pour la sauvegarde du « mode de vie tunisien », et de ceux d’après cette date pour des élections dont on ne sait plus si elles auront lieu un  jour ; malgré tout cela et bien plus encore, le tourisme tunisien résiste. Mieux encore : il sort de cette année trouble renforcé par une légitimité populaire qu’il n’a jamais eue auprès des Tunisiens. Comme le démontrait notre sondage du mois de mars (1), le Tunisien tient à son tourisme, et il l’a démontré en veillant, dans les rues ou dans les hôtels, au bon déroulement des vacances de ses hôtes.
Bien entendu, des incidents récents tendraient à montrer le contraire. Mais à y voir de plus près, notre ami français agressé à Bizerte par des fanatiques a été en fait victime de ses origines tunisiennes. Dans leur “tastika bakri”, leur débilité crasse, ces “fascistes verts” (2) ont cru “corriger” un Tunisien, car terroriser les Tunisiens est leur seul objectif et leur seule mission dans cette période préélectorale. Les millions de touristes qui ont choisi cet été la Tunisie pour passer leurs vacances ont bien compris cela. Le fait qu’ils soient venus malgré la surmédiatisation des faits d’armes des extrémistes était l’autre bonne nouvelle pour notre tourisme, qui n’est pas aussi fragile qu’on a voulu nous le faire croire pendant des années. Les candidats au bronzage ne sont pas « idiots » ; ils sont au contraire bien plus perspicaces qu’on le dit.

(1) Le Tourisme n°3, mars 2012.
(2) pour reprendre l’expression de Laurent Joffrin dans son éditorial du 24/08 sur nouvelobs.com.




Communication de crise : les erreurs du passé, les errements du présent

Après l’affaire de la Ghriba en avril 2002, la réaction du gouvernement d’alors a été de dire qu’il ne s’était rien passé, qu’il n’y avait pas eu d’attentat mais « un accident avec une bombonne de gaz ». En terme de communication, on appelle cela une stratégie de la négation dans laquelle l’accusé cherche à s’autoamnistier. Une stratégie qui peut se révéler désastreuse si les faits – réels ou tels qu’ils sont repris par les médias – la mettent en doute ou carrément la contredisent. Pour nous, cette “stratégie” qui se voulait l’expression d’une grande habilité politique a été perçue, notamment par les Allemands, comme un mensonge d’Etat, et il s’est ensuivi une chute ininterrompue de la destination pendant dix ans.
Nos frères marocains, mieux conseillés que nous, ont préféré à chaque fois réagir vite en parlant d’attentat et en rendant un vibrant hommage aux personnes touchées ; par là-même, ils se désignaient comme victimes, tout en affirmant déployer tous les moyens pour punir les coupables. Le Maroc applique à la lettre les préceptes de la communication de crise, où il est admis que l’objectif de réhabiliter l’image d’une destination est d’autant plus facile à atteindre si la responsabilité du pays ou de son gouvernement n’est pas engagée, et s’il peut se présenter en victime ayant agi en toute responsabilité. Cette stratégie, loin d’entamer le crédit du Royaume, lui a au contraire attiré la sympathie des décideurs et des touristes européens.
On en arrive à notre communication actuelle. Fidèle à la ligne politique d’Ennahda de minimiser le « risque salafiste », notre ministre du Tourisme ne pouvait condamner franchement les djihadistes violents et les désigner comme l’ennemi commun de la majorité écrasante des Tunisiens. Prisonnier de cette ligne politique et de son corollaire, qui consiste à « dénoncer les extrémismes et les provocations de gauche et de droite », il ne pouvait non plus se solidariser avec les vrais victimes de ces groupuscules que sont les femmes, les gérants de débits de boissons, les artistes ou même les forces de l’ordre. Il ne pouvait donc déployer la stratégie marocaine de victimisation.
Il a choisi par conséquent la troisième voie possible, la stratégie dite de « l’amalgame » qui consiste à dire : « il n’ y a pas que chez nous que ça existe ». Devant les journalistes français rencontrés début juin suite aux événement de Jendouba, il y est allé de son couplet favori : « Il y a plus de salafistes en France qu’en Tunisie », déclarait-t-il. On connaît la suite ; une semaine à peine après le périple français de M. Fakhfekh, les images de guérilla urbaine diffusées dans les médias européens sont venues démentir ces propos qui se voulaient rassurants. A-t-il pour autant retenu la leçon ? Que nenni. En plein couvre-feu, Monsieur le Ministre, n’écoutant que son courage, est allé dénoncer sur Nessma TV les Marocains qui « ont eu une bombe à Marrakech ! » L’amalgame, encore et toujours…

Tunisair : vous avez dit fictif ?

On savait déjà que Tunisair est le mouton à cinq pattes auquel on demande à la fois d’être rentable et de soutenir le tourisme même pour les destinations déficitaires ; de soutenir le social en finançant à tout va les clubs sportifs et les associations ; et de soutenir le clientélisme du pouvoir en embauchant les pistonnés de tout poil. De tous temps, Tunisair est cette entreprise à laquelle on peut même demander de soutenir les compagnies concurrentes lancées par des proches du pouvoir. De tous temps aussi, Tunisair est un champion national auquel on demande de livrer combat pieds et poings liés.
Dans l’affaire de l’emploi fictif, on a continué sur la même lancée : on jette en prison d’anciens pdg et des cadres en exercice, tout en interdisant à la compagnie d’exprimer ne serait-ce qu’un avis (يضربو ويحرم عليه البكاء). Son actuel pdg, dont le boulot est justement de veiller aux intérêts et à la réputation de son entreprise, se refugie dans un mutisme assourdissant : pas le moindre petit communiqué, pas la moindre déclaration. Bien plus, la directrice de la communication est mise en congé d’office : circulez, il n’ y a rien à voir et rien à dire.
Drôle de révolution qui nous voit bafouer les droits des entreprises à défendre leur réputation, et celui des salariés à exprimer leur douleur ou leur solidarité. En fait, depuis la révolution, on s’évertue à tailler à Tunisair un nouvel habit, celui du bouc émissaire idéal. Cela a commencé avec les déclarations incendiaires du ministre du Transport sur la corruption au sein de la compagnie ; ça continue aujourd’hui avec les mandats de dépôt. Tout cela pour un secret de polichinelle : des emplois fictifs de proches de Ben Ali effectués au vu et au su de tout le monde, y compris des magistrats, y compris des ministres, y compris des journalistes.
Personne ne s’est posé la question de savoir si un salarié était en position de refuser les ordres de son principal actionnaire, l’Etat, représenté par le chef de l’Etat en personne. Mais, encore une fois, on demande à Tunisair de racheter la lâcheté de tous, et de servir de marchepied aux ambitions des uns et aux visées politiciennes des autres.
On aimerait que tous ceux qui appellent depuis un an et demi à abattre Tunisair nous expliquent par quoi et par qui ils vont la remplacer. Par quelle magie cette entreprise, qui emploie désormais quelque 8000 personnes, ne trouve-t-elle pas une voix pour lui plaider les circonstances atténuantes ? pas même la voix de son pdg, dont c’est pourtant le devoir ? En effet, à quoi rime le mutisme de l’actuel pdg et son absence totale de réaction face à toutes les polémiques que traverse son entreprise ?
Dans la crise de Tunisair avec Syphax Airlines, le pdg de celle-ci s’est mué, à raison, en porte-parole et porte-drapeau de sa compagnie ; il n’a trouvé face à lui qu’un syndicat de pilotes ou un groupe du personnel. Mutisme aussi face à l’accusation de mauvaise gestion concernant l’avion de Tunisair laissé à la disposition de la présidence de la République. L’accusation de « dilapidation de biens publics » portée contre les anciens pdg et des cadres de Tunisair ne serait-elle pas tout autant valable contre ceux qui, aujourd’hui, n’éprouvent aucun besoin à éclairer le public sur des dépenses mille fois supérieures à celles de l’emploi fictif incriminé ? Ne serait-elle pas valable contre ceux qui dilapident le bien le plus précieux de cette entreprise, à savoir sa réputation ? Et pourquoi n’entendrions-nous pas le pdg de Tunisair déclarer, à l’instar de celui de la RAM, Driss El Hima : « C’est l’Etat qui nous oblige, pour des raisons politiques, à créer des lignes aériennes déficitaires » ?
La vérité est que le poste de pdg de Tunisair était depuis belle lurette un poste politique ; depuis quelque temps, ce poste est devenu quasiment un emploi fictif.




C comme crédibilité

Tous les professionnels du tourisme au monde savent que c’est un secteur où il faut avoir le cœur bien accroché pour survivre aux multiples soubresauts et aux crises du marché. Nos professionnels à nous doivent en plus apprendre à supporter le cynisme de leur propre gouvernement. En effet, à peine la situation a-t-elle commencé à se normaliser, et les partenaires étrangers à être quelque peu tranquillisés ; à peine l’opinion internationale a-t-elle commencé à oublier les images du dernier show, à Kairouan, de ceux qu’on appelle des salafistes ; à peine les milliards investis par le contribuable dans la promotion touristique ont-ils commencé à porter leurs fruits, laissant apparaître une lueur d’espoir pour un sauvetage de la saison, que nous voilà retombés encore plus bas qu’il y a six mois.
Aujourd’hui, nous n’avons plus droit seulement à des entrefilets dans quelques journaux généralistes ; nous nous sommes hissés à la une des journaux spécialisés dans le tourisme (Travel Weekly, Tour Hebdo…).
Après cela, il ne nous restait plus qu’à attendre la réaction de notre gouvernement. Elle est venue par la voix de son chef lors d’un entretien télévisé le 30 mai. Que dit monsieur Hamadi Jebali ? Il s’adresse concomitamment aux syndicalistes, aux malfrats et aux salafistes, et leur dit : « Il ne faut pas prendre notre gentillesse pour de la faiblesse, nous allons sévir ». Que monsieur le chef du gouvernement nous permette de douter de son sens du discernement et de sa capacité de décision.
D’abord, faire l’amalgame entre les syndicalistes exerçant le mandat pour lequel ils ont été élus et, sur le même plan, « les soûlards au bord des routes » et les bandes violentes qui s’attaquent même aux postes de police, c’est inacceptable, surtout de la part de celui dont le travail est de faire respecter la loi et de protéger les biens et les personnes. Cet amalgame est d’autant plus regrettable qu’il nous dévoile encore une fois l’emprise de l’idéologie typique d’un parti conservateur sur les déclarations du chef du gouvernement ; à propos des syndicats, monsieur Jebali a implicitement mis en doute leur utilité en affirmant que les salariés avaient le gouvernement pour les défendre.
Ensuite et surtout, pourquoi monsieur Jebali serait-il plus crédible dans ses promesses d’appliquer la loi aujourd’hui qu’il ne l’a été hier ? Lors de sa rencontre avec les professionnels du tourisme en novembre 2011, à notre question concernant l’attitude qu’il aurait face aux salafistes, il nous a répondu que tout le monde devait respecter « l’esprit républicain » (en français dans sa réponse) ; faute de quoi, assénait-il, la loi serait appliquée.
Depuis, les atteintes à l’esprit républicain n’ont cessé de se multiplier sans que le gouvernement de monsieur Jebali réagisse. Depuis, il y a eu mille et une voix pour alerter sur l’escalade de violence de la part des salafistes, sans recevoir d’autre réponse que les sarcasmes de Zitoun et consorts. D’ailleurs, notre chef de gouvernement ne doit pas ignorer que le slogan scandé dans les réunions desdits salafistes est « Ni loi, ni constitution, seules comptent  les paroles de Dieu et de son Prophète » ; comme si la parole de Dieu était contraire à l’ordre et au respect de la loi.
Depuis novembre 2011, qu’est-ce qui a changé, sinon qu’un chef salafiste a pu défier nommément le chef du gouvernement dans un prêche ?
Non, monsieur le chef du gouvernement, vous n’êtes pas plus crédible aujourd’hui qu’hier. Pour citer Senèque, « ce que vous êtes parle si fort que je n’entends pas ce que vous dites »… même si vos paroles sont parfois belles à entendre et vos sourires agréables à voir.




Le discours et la méthode

En quelques mois d’exercice de l’actuel ministre du Tourisme, on sait déjà à quoi s’en tenir : le discours et la méthode sont ceux d’un ministre de Ben Ali, la modestie et la transparence en moins.

Les entrées, encore et toujours
La priorité que donne le Ministre, dans ses déclarations et interviews répétées, aux chiffres des entrées est bien celle de la politique suivie depuis vingt ans. Elle a empêché qu’on s’attaque au problème essentiel du tourisme tunisien qui reste la faiblesse de ses recettes par touriste. Comme nous l’expliquons dans notre dossier sur « la feuille de route » (voir pages 9 à 20), M. Fakhfakh fait même mieux que tous ses prédécesseurs puisqu’il invente un taux de “limitation de la baisse” : « la baisse est en baisse », pourrait-il claironner.
De même, en élaborant la Feuille de route du Tourisme, le Ministre a pris bien soin de passer sous silence (du moins dans les nombreuses interviews qu’il a accordées à ce sujet) l’objectif du « doublement des dépenses moyennes par touriste » inscrit dans la “Stratégie 2016” élaborée en 2010 ; aucune mesure valable n’a été annoncée pour sa réalisation. Plus grave encore, il a laissé de côté la réforme de l’ONTT, qui est un préalable à la réussite de cette stratégie. Parmi les points de cette réforme, inscrit dans l’ancienne version de la Stratégie 2016, on trouve justement la recommandation « d’intégrer des notions économiques en plus des statistiques suivies aujourd’hui ». Ces « notions économiques » sont pourtant sans appel : malgré l’augmentation de nos entrées, la multiplication de nos hôtels et de nos agences de voyages, notre part de marché en termes de recettes n’a cessé de baisser. Plus grave encore, la contribution du tourisme à la croissance économique du pays, qui s’élevait à 1,5% en moyenne dans les années 80, est devenue nulle en 2009, et elle a été négative en 2011 (cf rapport annuel de la BCT).
La question, dans ces conditions, est de savoir à quoi sert une stratégie qui ne s’attaque pas à l’essentiel, c’est-à-dire la rentabilité du secteur et son rôle dans le développement économique du pays.

Main mise sur l’information
Cette manie des chiffres des entrées s’accompagne aussi d’une opacité totale dans la gestion du ministère. Tout passe par le Ministre qui est devenu, en l’espace de quelques semaines, le seul porte-parole du ministère et du secteur. C’est ainsi que l’avalanche d’interviews d’Elyes Fakhfakh s’accompagne d’une absence totale d’information sur la gestion du budget de promotion, et de l’exclusion de la presse des réunions de débats avec les professionnels. Aidé par le mutisme des fédérations professionnelles qui sont plus promptes à lancer des coups de gueule qu’à présenter des dossiers, le Ministre devient la seule et unique source d’information des journalistes, qui n’ont ainsi plus de recoupement à faire.

Immodestie
Pressé de s’imposer et sans doute excédé par les demandes multiples de certains professionnels, Elyes Fakhfakh a cru bon de leur adresser un sermon en leur demandant de « renoncer à l’esprit d’assistanat et d’être proactifs ». Et le Ministre d’illustrer son propos par l’exemple d’un « tour opérateur dirigé par un Tunisien qui travaille sur la Tunisie, et qui s’est montré très proactif » en organisant tout seul un dîner pour
400 personnes, dont des notables locaux.
En fait, cet événement, organisé par Voyamar, à Lyon, a connu un seul couac : le Ministre, invité de marque, s’y est présenté avec deux heures de retard. Les mauvaises langues disent même qu’il était accompagné de deux personnes étrangères au secteur et ne figurant donc pas sur la liste des invités. Au temps de Ben Ali, on savait par expérience que les nombreux invités mystère aux dîners de l’ONTT appartenaient au RCD local ; mais là, personne n’a pu savoir.
Quoi qu’il en soit, la question qu’aurait pu se poser notre ministre à propos du dîner de Voyamar est la suivante : pourquoi la Tunisie reste-t-elle une destination rentable pour les TO – au point qu’ils soient aussi « proactifs » – et ne l’est-elle pas pour ses propres entreprises du tourisme ?