La FTAV dans la cour des grands

Coup double pour la FTAV qui devient le premier membre non européen de l’ECTAA et obtient que celle-ci tienne son prochain congrès en Tunisie.

 

Lors d’une conférence de presse tenue aujourd’hui, le président de la FTAV, Mohamed Ali Toumi (photo), a annoncé l’acceptation par l’ECTAA de la demande d’adhésion de la FTAV qui en devient “membre affilié”. L’ECTAA est l’association européenne des agents de voyages et des tour-operators regroupant 26 pays de l’Union européenne (associations et fédérations d’agents de voyages et TO) ainsi que la Norvège et la Suisse. Le statut obtenu par la FTAV est d’habitude réservé « aux fédérations d’agents de voyages d’un pays d’Europe qui n’est pas membre de l’UE et qui n’aspire pas à l’être ». La FTAV en devient le premier membre non européen.

S’il n’octroie pas à la FTAV le droit de vote, ce statut lui permettra néanmoins d’être au cœur de la première institution des décideurs du tourisme européen. Et pour mieux couronner ce succès, le président de la FTAV a obtenu l’accord des instances de l’ECTAA pour la tenue en Tunisie de leur prochain congrès, prévu en novembre 2016.

 

Mohamed Ali Toumi avec le ministre de la Santé Saïd Aïdi lors de l’inauguration aujourd’hui du salon MIT
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Statistiques : baisses record

La baisse des entrées est de 21% au 20 mai. Le marché français est en perdition et les perspectives sont peu réjouissantes pour le mois de juin.

 

Les entrées des non résidents du 1er janvier au 20 mai ont reculé de 21% soit une perte de quelque 377 000 touristes. Ces résultats sont d’autant plus alarmants que le peu de flux touristique drainé par le pays est le fait des TO en faveur de leurs propres enseignes ou d’hôtels associés. Les hôtels sous enseigne tunisienne ont vu leur taux d’occupation divisé par deux sans perspective d’amélioration pour le mois de juin. Le cri d’alarme de ces hôteliers est à apprécier au vu de cette donnée.

Ce recul est dû aux Européens (-19,6%). En effet, hormis le marché anglais qui croît de 19,7% (une croissance à mettre en grande partie au crédit de Thomas Cook GB), tous les autres grands marchés affichent un recul à deux chiffres. C’est le cas de l’Allemagne (-29,5%), de l’Italie (-38,5%) et de la Russie (-76,5%).

France : la stratégie en cause

La mauvaise conjoncture et l’attentat du 18 mars n’expliquent pas entièrement ces baisses. Ainsi, le marché français affiche des entrées en recul de 21,5% par rapport à l’année dernière, soit 60,6% par rapport à la même période en 2010. Au vu de ces chiffres, on peut parler d’un marché en perdition, où ni l’élan de sympathie suscité depuis le 18 mars, ni la campagne de publicité en cours n’ont pu freiner la descente aux enfers.

Un changement de stratégie semble s’imposer, notamment par des actions plus pertinentes envers les professionnels français. En effet, les résultats médiocres de notre tourisme sur ce marché ces dernières années sont à rapprocher de la nouvelle orientation de la politique de commercialisation adoptée par l’ONTT, qui privilégie le grand public aux dépens des circuits de distribution et des TO. Une telle politique orientée quasi exclusivement vers le grand public aurait eu toute sa légitimité pour une destination bénéficiant de l’Open Sky et offrant au client final la liberté de ses choix de prestataires. Mais faute d’Open Sky en Tunisie et d’une offre conséquente en packages dynamiques en France, la distribution continuera à capter et à orienter à sa guise une partie notoire de la demande. D’autant plus que la France est le pays d’Europe qui compte le moins d’adeptes d’Internet pour la préparation des vacances : 56% y font appel, contre 89% dans les pays d’Europe du Nord, selon un sondage récent.

LM

Entrées des non-résidents du 1er janvier au 20 mai 2015

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«Un petit pays peut profiter de l’Open Sky »

Entretien avec François Vellas, professeur en économie du tourisme et du transport : « Les compagnies traditionnelles sont prises en étau entre les compagnies low cost et les grandes compagnies des pays du Golfe… »

Professeur à l’université de Toulouse 1, auteur de plusieurs ouvrages se rapportant au tourisme et au transport aérien, François Vellas était récemment de passage à Tunis dans le cadre de ses activités au sein de l’association Acting For Life. Il nous a entretenus d’Open Sky.

 

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Vous connaissez bien le cas marocain d’ouverture du ciel avec l’Europe. La Banque Mondiale, qui présente un bilan positif de l’Open Sky pour la RAM et pour le Maroc, et la RAM, dont le PDG n’hésite pas à parler de « risque mortel » pour les compagnies aériennes venant de l’Open Sky, ont des conclusions contradictoires à ce sujet. Qu’en pensez-vous ?

Dans le transport aérien, il est très difficile pour une compagnie de différencier son offre. C’est à cause de cette difficulté de différenciation que la concurrence se fait par la baisse des prix. Les compagnies traditionnelles trouvent des difficultés à faire face aux nouveaux entrants que sont les compagnies low cost, présentant des coûts moindres, et pouvant donc offrir des prix plus compétitifs. Il est vrai que cette situation a été la cause de la disparition ou de difficultés pour des compagnies qui n’ont pas su s’adapter à temps. La liste est longue : Sabena, Swissair, Alitalia… La situation des compagnies régulières classiques est d’autant plus difficile qu’il existe actuellement comme un effet d’étau entre les low cost qui rognent sur le court et moyen courrier, et les nouvelles compagnies des pays du Golfe qui se positionnent sur le long courrier haut de gamme. Une compagnie traditionnelle comme la RAM ou Tunisair est ainsi prise entre deux feux.

Dans le cas de la RAM, les choix stratégiques comme la création d’une filiale low cost, Atlas Blue, étaient-ils bien inspirés ?

Le choix important de la RAM est de combiner son réseau européen avec son réseau africain. Les mêmes avions qui vont en Europe durant la journée, sont utilisés pour des liaisons africaines la nuit. En revanche, la stratégie de créer une filiale low cost est un échec ; de même que la tentative de British Airways a été un échec, et que la création de Transavia par Air France n’est pas encore une réussite. En effet, Atlas Blue, avec 15 avions, ou même Transavia avec 40 avions, ne pouvaient rivaliser avec les grandes low cost dont la flotte se compte par centaines d’avions.

Ceci n’exclut pas que des petits pays puissent réussir… C’est le cas de la Norvège avec la Norvegian qui s’est spécialisée dans le low cost de luxe (WiFi gratuit…) et qui opère en Europe grâce à un accord d’Open Sky comme le Maroc. La Norvegian se dote d’une flotte de 100 avions. Un petit pays peut donc profiter de l’Open Sky en développant le secteur du transport aérien. Cette stratégie a déjà été initiée par Singapour puis Dubaï et Abou Dhabi, qui ont fait du transport aérien un secteur important de leur économie avec une contribution importante au PNB.

Qu’en est-il alors du cas de la Turquie, citée en exemple de pays qui réussit sans recourir à un accord d’Open Sky avec l’Europe ?

La Turquie et Turkish Airlines ont opté pour le développement d’une multitude d’accords bilatéraux avec la plupart des pays européens. Ils jouent ainsi le rôle d’aspirateurs du trafic européen vers les autres continents en multipliant les escales, à la fois dans les villes européennes et dans les pays de destination. En Irak, par exemple, Turkish Airlines fait escale dans six villes irakiennes et offre à ce pays une ouverture sur le monde. La stratégie de Turkish Airlines est d’aller de ville moyenne à ville moyenne ; elle ne cible pas les grandes villes, contrairement à Emirates par exemple. Ainsi, Turkish Airlines est la seule à proposer Toulouse-Erbil via Istanbul.

Une telle stratégie pourrait-elle inspirer la Tunisie et Tunisair ?

Il faudrait d’abord que Tunisair passe à 200 avions. Ensuite, la place est déjà prise par Turkish Airlines.…

L’ouverture de la concurrence au niveau d’un pays entre compagnies autochtones serait-il un préalable à l’ouverture du ciel avec l’Europe ? En Tunisie, par exemple, Tunisair jouit d’une rente aux dépens des compagnies nationales privées…

Ce n’est pas un préalable juridique, mais il pourrait l’être du point de vue économique. En effet, qui dit Open Sky dit forte concurrence, et il serait judicieux que les compagnies aériennes locales se frottent à la concurrence entre elles et mettent en place des stratégies qui les préparent à la concurrence internationale.