Tourisme local : un simulacre de promotion

Le ministère du Tourisme peine à dépenser 900 000 dinars qui lui restent dans le Fonds de Compétitivité. Il vient de lancer pour cela un plan de soutien au tourisme local consistant à subventionner les agences de voyages qui proposeraient un package sur les régions du Sud et de Tabarka à des prix promotionnels.

Jusque-là, l’intention et l’idée sont des plus louables. Le hic, c’est que le ministère réserve ce soutien aux agences ayant vendu plus de 150 forfaits, et le limite à la période allant du 15 novembre au 15 décembre, excluant ainsi les vacances scolaires et incluant le premier tour des élections présidentielles. Les agences ne disposeront que de quelques jours pour confectionner leurs packages et les vendre à des Tunisiens occupés à autre chose que les voyages.

Pour le Sud, le ministère a cru bon d’exclure les hôtels de Douz – on se demande pourquoi. Concernant Tabarka, il exclut les hôtels de catégories 5 étoiles comme La Cigale, et pour ce qui est des 4 étoiles, concernés par ce programme, ils sont tous fermés à part le Dar Ismaïl. Que reste-t-il alors de ce « plan » ? Le goût amer d’une action précipitée qui aurait pu être lancée depuis un mois, comme c’était prévu.

Une action dont le seul résultat serait au mieux d’améliorer le bilan d’activité du ministère, et au pire de dilapider un argent public qui aurait pu servir à mille et un autres usages plus urgents pour le tourisme et l’économie tunisienne : par exemple, le nettoyage des villes ou même le comblement du déficit de l’Etat, comme nous le suggère un hôtelier…




Grève au Djerba Beach : l’arroseur arrosé

Suite à un avis de grève , le propriétaire de l’hôtel Sentido Djerba Beach a fermé l’établissement. Ce cas doit alerter l’UGTT pour le maintien d’un dialogue social constructif…

Suite à un avis de grève à l’hôtel Sentido Djerba Beach, le propriétaire de l’hôtel (le groupe TTS) n’a trouvé d’autre choix que de fermer l’établissement. En effet, cet avis de grève pour les 21, 22 et 23 octobre a été rendu effectif par l’UGTT Medenine au cours d’une réunion de réconciliation tenue le 20 octobre à la délégation de Djerba-Midoun ; or Thomas Cook, franchiseur et donc unique commercialisateur de l’hôtel, avait annoncé sa décision d’annuler toutes les réservations futures sur le Djerba Beach en cas de grève. La fermeture décidée par la direction en est la conséquence directe.

Mais là où le bât blesse, c’est que le syndicat, manifestement surpris par la réaction du propriétaire, est revenu sur sa décision de grève. Preuve que la voie de la grève n’était pas inévitable. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas encore si TTS et plus précisément son franchiseur Thomas Cook comptent rouvrir l’hôtel et dans quels délais.

Cet incident, que nous espérons voir se clore au plus vite, est symptomatique du raidissement des positions de certains syndicalistes, notamment à Djerba. L’usage à la légère de la grève pourrait inciter à l’avenir les propriétaires à recourir systématiquement au lock-out ou grève patronale. L’extrême appelle l’extrême.

Ce cas vient après ceux de l’Hasdrubal Djerba et du Laico Hammamet qui, il y a quelques mois, avaient décidé la fermeture à cause d’une grève. Il doit alerter l’UGTT pour le maintien d’un dialogue social constructif où la grève ne serait que l’ultime recours. Les revendications sont parfois fantaisistes : le changement d’un ou plusieurs directeurs de l’hôtel, le droit des employés à composer eux-mêmes leurs menus ou à garer leurs voitures sur le parking des clients… De telles revendications nuisent à la légitimité syndicale du moment où elles s’immiscent dans les prérogatives du gestionnaire.

Le droit de grève, protégé par la Constitution, ne doit pas s’opposer au droit au travail, lui aussi constitutionnel, et l’action syndicale ne doit jamais se confondre avec une forme d’autogestion par les salariés.

LM




Faites la cuisine, pas la guerre

Des jeunes Libyens ont déposé les armes pour apprendre la cuisine en Tunisie…

Ce sont 400 jeunes Libyens qui séjournent actuellement en Tunisie pour des formations à divers métiers. La spécificité de ces jeunes est qu’ils sont d’anciens combattants qui appartenaient à divers groupes et milices paramilitaires en Libye. Parmi ces jeunes, dix-sept ont choisi la spécialité « cuisine et pâtisserie » et sont accueillis depuis lundi 20 octobre et pour deux mois dans le Centre de formation hôtelière Kerkouane à Hammamet.

Comme quoi il faut toujours garder espoir…




Entretien avec Wahida Djaït : retour au pragmatisme

Entretien avec Wahida Djaït, Directrice Générale de l’ONTT. Après des mois de tâtonnement, l’administration du Tourisme semble renouer avec le réalisme. Un retour au pragmatisme d’antan qui se traduira par une concentration des moyens sur les réseaux de vente, le soutien à l’aérien et les relations publiques.

 

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Cela fait six mois que vous êtes à la tête de l’ONTT. A quoi les avez-vous passés, et pour quel résultat ?

Wahida Djaït
Il faut commencer par rappeler qu’à mon arrivée, l’ONTT vivait dans un climat social particulièrement tendu ; j’ai dû très vite rencontrer les syndicats et notamment le plus représentatif parmi eux, à savoir l’UGTT. Il a fallu d’abord se faire accepter par le syndicat pour lever les appréhensions qu’il avait à l’égard de ma nomination, et entamer le dialogue ensuite. Ainsi, on a pu calmer les esprits et éviter les dérapages ou les grèves en plein été. Cela n’a pas été facile, mais j’estime qu’on a réussi à établir des relations correctes et je dirais même cordiales.

Pour ce qui est de la promotion du tourisme, j’ai dû en quelque sorte prendre le train en marche… Il me restait une certaine latitude pour influer sur le cours des choses, notamment pour le last minute, et essayer de sauver ce qui pouvait l’être.

Vos propos laissent supposer que la situation au mois d’avril était des plus catastrophique, alors que le climat politique et social était de loin meilleur que celui qui a prévalu en 2013…

La situation était fragile et on était sous la menace d’un retournement de situation à n’importe quel moment. Ce qui n’a pas manqué de se réaliser avec l’affaire des croisières ou le problème des ordures, notamment à Djerba, dont nous n’étions pas directement responsables. Ces affaires ont non seulement causé du tort à la destination mais nous ont obligés, pour atténuer leur effets, à gaspiller une énergie qu’on aurait pu mieux utiliser pour préparer la saison.

Sans remettre en question vos efforts, nous observons un grand décalage entre les déclarations et les réalisations sur le terrain. Nous observons que l’ONTT ne sait plus assurer ne serait-ce qu’un accueil à l’aéroport, comme cela a été le cas pour les invités des Tunisia Awards…

Vous ramenez cette défaillance à l’ONTT, alors qu’elle est due au comité d’organisation dont un seul des membres appartenait à l’ONTT ; de plus, à la direction du Produit et non pas à la direction des Relations publiques dont c’est le travail. Cette décision a été prise par Mme la Ministre dans l’intention, louable, de motiver les jeunes, mais il leur a manqué l’expérience de ce type d’événements. Personnellement, j’avais proposé une autre composition du comité d’organisation, mais la décision finale ne me revenait pas à moi.

Revenons au bilan. Qu’est-ce que l’administration a fait concrètement pour limiter les dégâts sur le marché français ?

Si vous voulez parler d’un soutien concret aux opérateurs pour les inciter à prendre le risque sur la destination, il est vrai que nous ne l’avons pas fait pour la simple raison que notre représentation en France n’avait pas de budget pour ça. Il est vrai aussi que les difficultés de Tunisair l’empêchaient de prendre plus de risques sur la France. Cependant, il est plus opportun de parler de ce que nous avons décidé de faire aujourd’hui, notamment après la réunion des représentants tenue récemment à Tunis. Pour tous les marchés et plus particulièrement sur le marché français, nous avons décidé de concentrer nos efforts sur les relations publiques et les réseaux de vente. Pour ces derniers, nous ciblons cinq régions de France avec 1300 points de vente des principaux réseaux, à savoir Sélectour/Afat, Havas et Thomas Cook.

Il a donc fallu tâtonner pendant tout ce temps pour revenir aux bonnes vieilles méthodes…

Il s’agit pour nous de réoccuper le terrain après l’avoir négligé, et de le faire avec plus de professionnalisme et de synergies entre le PR et les actions envers le réseau de vente et le soutien à l’aérien. Ce dernier est inscrit dans nos actions des deux années à venir. Nous le ferons selon nos moyens et l’importance que revêt pour nous chaque ligne à soutenir. Mais nous ouvrons la négociation avec nos compagnies aériennes et d’autres pour décider le degré de notre soutien et la forme qu’il pourrait prendre. Personnellement, je ne conçois pas le soutien à une ligne sur un mois ou deux mais plutôt sur trois ans. Soutenir une ligne aérienne signifie pour nous un plan triennal comprenant aussi le lancement d’actions en PR et auprès des réseaux de vente pour remplir les vols.

Dans ce cadre, nous étudierons avec les fédérations professionnelles les marchés prioritaires auxquels nous devons apporter notre soutien. Il est d’ores et déjà question de l’Italie avec la mise en place d’un Milan-Djerba, de la France notamment pour Tozeur, et des pays scandinaves avec notamment une ligne sur Copenhague pour l’hiver 2015.

Pour résumer, notre nouvelle approche consiste à réajuster nos budgets entre la publicité institutionnelle et le reste des actions pour nous laisser une marge de réaction selon l’évolution des marchés. Cette approche, nous l’appliquons déjà pour la fin de cette saison avec le lancement en France d’une campagne de relations publiques. Son thème est l’énergie des Tunisiens, à travers les portraits de Tunisiens qui agissent et bougent dans divers secteurs. Je me déplace cette semaine [interview réalisée le 13 octobre] en France pour y apporter les dernières retouches. Nos actions commenceront donc avant les élections et continueront après pour dire que la Tunisie avance et continuera à avancer.

 




Coucou, nous revoilà !

letourismemagazine.com est de retour après une attaque malveillante qui nous a obligés à suspendre le site pendant quelques jours afin de le sécuriser. Toutes nos excuses à nos lecteurs et merci de votre fidélité.




Qui est SWICORP ? Que veut-il ?

LazaarLa banque d’affaires Swicorp et son patron Kamel Lazaar sont devenus, ces temps-ci, l’objet de l’intérêt et des rumeurs les plus folles parmi les hôteliers. Swicorp est-il l’ogre qui veut avaler tous les hôtels endettés, ou un investisseur comme il nous en faudrait plusieurs pour assainir le parc hôtelier tunisien ?

Créée en 1987 et installée en Arabie Saoudite, à Genève, à Dubaï et en Tunisie, la banque d’affaires Swicorp gère un milliard d’euros d’actifs. A sa tête, Kamel Lazaar, un Tuniso-Suisse d’une soixantaine d’années dont le nom se murmure de plus en plus parmi les hôteliers. Il doit cette notoriété d’abord au fonds d’investissement Siyaha Capital qu’il vient de créer, et dont la vocation est de lever des fonds pour racheter des hôtels endettés en Tunisie (on parle de 100 à 200 millions US$). Il la doit ensuite à sa proximité avec la ministre du Tourisme Amel Karboul, qui le présente à son entourage en tant qu’ami.

Pour certains, il n’en fallait pas plus pour voir un possible conflit d’intérêt pour Amel karboul entre ses fonctions de membre d’un gouvernement décidé à passer une loi controversée sur l’AMC ( voir notre article) et son amitié pour un supposé bénéficiaire de cette loi. D’autant plus qu’on prête à ce dernier l’intention de « rafler tous les hôtels endettés ». Or rien n’est moins sûr : l’appétit de Siyaha Capital se limiterait, selon nos sources, à une quinzaine d’hôtels. Des hôtels qu’il acquerrait pour certains en négociant directement avec les propriétaires actuels – qui resteraient actionnaires – et pour d’autres grâce à un montage financier basé sur la “dette mezzanine” *. Et c’est là que le fonds Siyaha peut susciter quelques interrogations.

Un fonds d’investissement comme les autres ?

Présenté sur le site web de Swicorp comme un « philanthrope avide d’art arabe contemporain », Kamel Lazaar n’en semble pas moins un excellent financier et un patron de fonds d’investissement des plus avisés. En effet, selon nos sources, Siyaha Capital promettrait aux investisseurs un IRR (Internal Rate of Return, soit la capacité du projet à croître ou à générer des bénéfices) de 20 à 25% sur la période d’investissement ainsi qu’une multiplication par trois de leur mise de départ (MoC x 3).

Une telle rentabilité, aussi gargantuesque soit-elle, est toutefois commune à ce type de fonds d’investissement utilisant la dette dite “mezzanine” * comme effet de levier. « On appelle ça des achats par LBO (Leveraged Buy-Out, achat avec effet de levier) ou rachats d’entreprises par endettement », nous a expliqué un spécialiste. L’objectif, poursuit notre interlocuteur, est « de faire une croissance modeste de l’entreprise, mais énorme des fonds propres grâce à l’effet de levier [donc grâce à la dette, ndlr]. La période considérée pour la réalisation de l’IRR est souvent comprise entre 5 et 7 ans pour les fonds d’investissement. Pour assurer, par exemple, une croissance de 25% sur 5 ans, on obtient 4,5% par an ; si c’est sur 7 ans ça fait 3,2% par an. Reste à savoir, conclut-il, si les hôtels en question peuvent assurer une telle croissance ».

La dette hôtelière est donc une aubaine pour un fonds d’investissement qui détiendrait le secret non seulement d’enrichir ses membres, mais aussi de transformer à moyen terme des hôtels déficitaires en entreprises rentables. Ce secret, selon nos sources, semble être, outre ce qu’on pourrait appeler une spéculation sur la dette, l’affiliation de tous les hôtels rachetés à des chaînes internationales et la création par Siyaha Capital de sa propre société de gestion hôtelière, qui compterait à cette fin des cadres virtuoses. De tels cadres sont malheureusement inconnus du commun des professionnels… Il est permis de douter de leur virtuosité.

Vautours et pigeons

Mais là où Swicorp fait preuve d’originalité, disons même de génie, c’est dans la composition de son tour de table pour créer son fonds Siyaha. C’est Safia Hachicha, directrice générale de Siyaha Capital, qui livre le profil des investisseurs dans un entretien accordé à Jeune Afrique en mai 2013. Le journal affirme ainsi que « la nouvelle Caisse des dépôts et consignations tunisienne a d’ores et déjà annoncé sa contribution. Pour compléter son tour de table, Safia Hachicha sollicitera des bailleurs de fonds comme la Banque mondiale ou la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) ».

En fait, la Caisse des Consignations (CDC), établissement public créé en 2011 par Jalloul Ayed du temps où il était ministre des Finances, jouerait le rôle de “sponsor” de référence selon le jargon des financiers, avec une participation qui s’élèverait à 30% du fonds Siyaha. Swicorp serait alors le “GP” (General Partner), soit le patron de l’opération avec une participation de pas plus de 10%.

Ainsi, un établissement financier public censé encourager l’investissement et l’emploi s’adonne à la spéculation financière dans le cadre d’une opération d’« assainissement » des banques publiques recommandée et pilotée par la Banque Mondiale, qui se retrouverait elle-même parmi les bénéficiaires dudit assainissement en tant qu’« investisseur » dans le fonds Siyaha. C’est le serpent qui se mord la queue.

Pour compléter le tableau, rappelons que Safia Hachicha, actuelle directrice générale de Siyaha Capital, avait quitté son poste chez Swicorp après la révolution pour rejoindre le cabinet du ministre des Finances Jalloul Ayed : « avec la bénédiction de Swicorp pour qui je travaillais depuis 2005 », affirmait-elle à Jeune Afrique. Une mission à laquelle elle a mis fin au bout de quelques mois pour retourner à la direction de Swicorp, mais qu’elle a eu le temps de mettre à profit pour « assouplir » les textes encadrant le capital-investissement, nous informe le même journal. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.

Nous avons sollicité Safia Hachicha pendant deux semaines et à trois reprises pour une entrevue, en vain. On ne saura pas si Siyaha Capital est ou non un fonds vautour. Mais on sait déjà qui sont les pigeons.

LM

* La dette d’une entreprise se subdivise en trois catégories : dette à court terme, dette “senior” (de 2 à 10 ans) et enfin dette “mezzanine” dont le remboursement est subordonné à celui de la dette senior. Elle est ainsi mieux rémunérée car supposée plus risquée que la dette senior.




MICE : le réseau Ovation choisit Iris Events

Le réseau international Ovation, spécialisé dans le MICE et présent dans 127 pays, s’implante en Tunisie en choisissant Iris Events comme partenaire stratégique. Iris Events, branche MICE d’Iris Tours que dirige Jamel Bel Haj Yahia, répondait aux nombreuses exigences d’Ovation dont notamment la réalisation de grands projets internationaux et les réponses aux divers cahiers des charges sur l’international pour la destination Tunisie.

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Jamel Bel Haj Yahia (à gauche) concluant l’accord avec le réseau Ovation sur le stand de la Tunisie.




Majestic, un hôtel fier de son histoire

L’hôtel Majestic de Tunis a fêté le 1er octobre ses 101 ans d’existence ; un âge vénérable qui en fait le plus ancien hôtel de Tunis encore en activité.

Le Majestic était autrefois un des plus prestigieux hôtels de la capitale et a accueilli jusqu’au début des années 1960 les invités officiels du Président Bourguiba. De grands artistes français et étrangers, venus en Tunisie pour y donner concerts et récitals, y ont également logé : Brassens, Barbara, Aznavour, les Platters, Luis Mariano, Bécaud…

Sa rénovation a permis de retrouver l’esprit de l’hôtel historique, un style fin 19e mâtiné d’Art Nouveau avec quelques meubles et boiseries d’époque. Situé dans un des quartiers les plus emblématiques de la capitale,  gardant un charme particulier évoquant le Tunis Belle Epoque, cet hôtel confirme son attachement à ses racines et à son histoire.

 




Entretien avec Khaled Chelly : «Tunisair Express doit changer de modèle»

Mauvaise conjoncture oblige, Khaled Chelly, DG de Tunisair Express depuis trois mois, doit revoir la stratégie de la compagnie récemment mise en place. Il est question d’un redéploiement à l’international mais aussi d’un soutien au tourisme local, notamment vers Tozeur qui verrait la mise en place d’un vol spécial pour les mois d’octobre et novembre.

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Où en êtes-vous de votre plan de redressement ? Maintenez-vous l’objectif de réduire les pertes de 35% cette année ?

Khaled Chelly
Non, nous n’atteindrons pas cet objectif. Le plan de redressement était basé sur l’abandon du trafic charter dans son volet non rentable et le redéploiement de l’activité sur le charter générant des bénéfices et sur le régulier à l’international, notamment sur la Libye. Malheureusement, la Libye a fait défaut et la reprise escomptée du tourisme n’a pas eu lieu. Globalement, le trafic a reculé à la fin du mois d’août de 16% (6% de baisse pour le régulier et 53% pour le charter).

Au mois de septembre, le trafic domestique a augmenté de 28% par rapport à septembre 2013. Malgré ce regain d’activité, nous prévoyons un recul du chiffre d’affaires de l’ordre de 16% à la fin de cette année avec un résultat négatif de l’ordre de 8 millions de dinars hors subventions de l’Etat. A l’heure actuelle, nous ne pouvons comparer ce résultat avec celui de 2013 tant que le ministère des Finances n’a pas spécifié la forme que prendra l’abandon de la créance de l’OACA, évaluée à quelque 13 millions de dinars. Un abandon pur et simple de la créance OACA générerait un exercice 2013 bénéficiaire, sachant que la perte comptable pour 2013 est de l’ordre de 11 millions de dinars (dont 4 pour les affrètements consécutifs à l’immobilisation de deux appareils).

Qu’en est-il du soutien financier aux lignes intérieures décidé par le ministère du Transport ?

Cela fonctionne comme prévu. Cette subvention nous est octroyée chaque trimestre sur la base de nos résultats sur nos lignes intérieures et nous venons de recevoir 1,2 million au titre du premier trimestre. C’est grâce à cette subvention que nous afficherons cette année un déficit de l’ordre de 3 millions de dinars, et non pas les 8 millions prévus.

A vous écouter, votre compagnie s’achemine vers un réajustement de la stratégie décidée il y a un an… Quelle marge de manœuvre resterait-il pour Tunisair Express sachant que ne pouvez plus augmenter vos tarifs domestiques généralement perçus comme élevés ?

Effectivement, la question de la stratégie se pose de nouveau avec acuité. Notre compagnie a été déficitaire depuis sa création, un déficit qui a pris de nouvelles proportions depuis la révolution. Mais avant de parler des options qui se présentent à nous, j’aimerais décrire la situation dans laquelle nous nous trouvons. Si nous prenons à titre d’exemple l’année 2013, on trouve 4, 2 millions de dinars de charges financières dont 3,2 millions pour différence de change à cause de nos engagements en dollars, notamment pour l’achat des avions. On trouve aussi 12,5 millions de dinars de charges de personnel malgré l’externalisation de certains services opérée fin 2012/2013. Si on ajoute à ces frais 9 millions d’amortissements, on aboutit à un total de charges de 25 millions pour un chiffre d’affaires de 44 millions de dinars. On est donc dans une situation où 60% des revenus servent à couvrir les charges fixes, un chiffre qui montre le degré de fragilité de la compagnie. De plus, celle-ci souffre de problèmes de trésorerie aigus nous obligeant à négocier le rééchelonnement de nos dettes envers des partenaires stratégiques comme les fournisseurs de fuel.

Vous avez évoqué la question des prix pour les vols domestiques. Sachez qu’avec un remplissage à 90% d’un ATR sur Djerba, on ne couvre pas ses coûts complets. Il est un fait que nous n’encaissons pas les 214 dinars payés par le passager pour un aller-retour Tunis-Djerba. Pour chaque tronçon, nous encaissons 85 dinars pour une distance de 500 km, ce qui nous place parmi les compagnies les moins chères en vols domestiques au 100 km. La première conclusion est de dire que les vols domestiques ne sont pas rentables en ATR.

Ces vols le seront-ils avec des avions plus grands ?

On a fait une simulation avec des 747 de 125 places et il s’avère que la rentabilité n’est atteinte que durant les 4 ou 5 mois de pointe. De surcroît, en optant pour de plus grands avions, nous ne pourrons plus mettre autant de fréquences qu’avec un ATR. La question est de concilier les impératifs de rentabilité et de fréquence.

Pour revenir à votre question première sur le réajustement de la stratégie de la compagnie, on doit dire que les différentes stratégies expérimentées ces dernières années nous ont convaincus de la nécessité d’un changement de modèle. Le domestique ne devrait plus être aussi prépondérant et le trafic international devrait être renforcé. S’il est question de développer l’international dans ses deux volets régulier et charter, nous privilégierons le charter rentable avec une politique tarifaire adéquate selon la saison. Il aussi question pour nous d’améliorer l’utilisation des avions pendant la période creuse. Parmi les niches de développement à l’international, nous pensons à Catane (Sicile) dont la liaison sera lancée prochainement. Autre piste, le transfert par Tunisair de quelques liaisons dont l’exploitation s’adapte mieux à une compagnie comme la nôtre. Enfin, nous pensons à l’Algérie, notamment l’Est algérien dont l’ouverture est encore suspendue à une mise à jour de l’accord aérien avec l’Algérie.

Parallèlement à ces axes, nous réfléchissons à une recomposition de notre flotte pour mieux répondre à notre déploiement à l’international. Des pistes sérieuses sont à l’étude et nous espérons les faire aboutir bientôt.

En somme, si la situation est difficile, elle n’est pas désespérée puisque les solutions existent et que le personnel de la compagnie est impliqué dans la réflexion stratégique.

Revenons au domestique, et plus spécialement à Tozeur où l’on parle d’un nouveau programme de soutien de la part du ministère du Tourisme. La ligne Tunis-Tozeur n’est-elle pas l’exemple des efforts qui vous restent à fournir en termes de nombre de vols et d’horaires ?

Nous venons d’avoir hier [le 1er octobre] une réunion avec le ministère du Tourisme et la FTAV au sujet du développement du tourisme intérieur. Un budget de 1 million de dinars disponible au sein du FODEC y sera consacré. Il est question de reconduire l’opération de l’année dernière avec des vols supplémentaires d’octobre à décembre ; il est également projeté par les agences le lancement de packages weed-end sur Tozeur avec un départ le vendredi après-midi et un retour le dimanche après-midi. Aujourd’hui, nous n’avons pas de vol l’après-midi, nos vols sont conçus pour permettre à des touristes de rejoindre leurs vols internationaux ; mais nous sommes prêts à mettre un vol spécial adapté au tourisme.

Qui, de vous ou des agences de voyages, le FODEC va-t-il subventionner ?

C’est l’un ou l’autre, la question est à l’étude pour déterminer la formule la plus incitative pour le touriste potentiel. Pour nous, soit nous mettrons à la disposition des agences un vol qu’ils nous paieront au prix charter, soit nous mettrons nous-mêmes en place un vol avec le soutien du FODEC. En tout état de cause, nous ne pouvons nous permettre de programmer ce vol par nous-mêmes sur une ligne qui est déjà déficitaire.

Il est question pour certaines agences de voyages de négocier avec vous des blocs sièges à l’année sur le vol de Tozeur. Comment jugez-vous cette initiative ?

Pour nous, c’est une idée très intéressante. Nous avons confirmé aux agences de voyages qu’elles peuvent soit mettre en place des packages pour octobre-novembre avec le soutien du FODEC, soit opter pour des blocs sièges à l’année que nous leur céderons à des prix préférentiels. Notre flexibilité tarifaire est justifiée par la clientèle additionnelle qu’apporteront ces agences.

A-t-il été aussi question de Tabarka ?

Non, Tabarka n’a pas été évoquée lors de cette réunion.