Sunshine Vacances

Après le Royaume-Uni et quelques autres destinations d’Europe de l’Est, le tour-operator de la chaîne El Mouradi se lance en France sous l’appellation Sunshine Vacances. La société, dont Mourad Mhiri est l’actionnaire unique, a été créée en mars 2012 et a démarré son activité en octobre. Sunshine Vacances vendra la Tunisie mais aussi d’autres pays du bassin méditerranéen. Elle prévoit 3000 clients en 2012 et 10 000 en 2013. Naïm Ghannouchi en est le Directeur général et Geneviève Dimitropoulos la responsable commerciale.




Nomination

Le ministère du Tourisme vient de nommer Karim Gharbi en tant que Directeur général de « l’Unité de Gestion par objectif de la Stratégie de développement du tourisme tunisien à l’horizon 2016» (UGPO). K. Gharbi est ingénieur de l’école des Ponts et Chaussées à Paris et a occupé plusieurs postes de responsabilité aussi bien dans le secteur public que dans le privé. Une expérience qui lui sera utile pour convaincre de sa mission et permettre une relance du secteur.




Sud : appel au secours

Réunion mercredi 28 novembre entre le ministre du Tourisme et les professionnels du Sud, et à leur tête les présidents des fédérations FTH et FTAV, pour débattre de la situation jugée « catastrophique » du Sud tunisien, où 19 hôtels sur les 35 existants ont fermé leurs portes.

Les demandes prioritaires des hôtels concernent l’aérien, puisque Tunisair n’a gardé que 3 des 15 liaisons directes qui reliaient Tozeur à l’Europe. Il a donc été recommandé au cours de cette réunion d’apporter un soutien financier aux liaisons aériennes, en y consacrant notamment l’ensemble du reliquat du budget de soutien à l’aérien voté au début de cette année. Quant aux agences de voyages, elles ont exprimé leur mécontentement devant la gestion du Gouverneur dans le traitement des demandes d’excursions.
Dans l’immédiat, le ministère annonce la programmation de trois voyages de presse et, comme l’année dernière, l’organisation d’un voyage de découverte du Sud pour une quarantaine de diplomates qui pourront ainsi mieux évaluer les conditions de séjour et de sécurité dans cette région.




Taxes sur l’hôtellerie : demandez la liste

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Hichem Driss dresse la longue liste des droits et taxes auxquels est déjà soumis le secteur, et qui situe la pression fiscale sur l’hôtellerie à un niveau bien supérieur à celle du reste de l’économie et ce sans compter l’impact de l’augmentation de la taxe sur les boissons alcoolisées qui serait, toujours selon H. Driss, de 3 DT par nuitée. Une énumération lugubre :
– droit de consommation sur les boissons alcoolisées à un taux variant entre 25% et 683%. Ce droit n’est plus déductible de la taxe sur le chiffre d’affaires. Il constitue un élément du prix de revient des produits alcoolisés, ce qui rend certaines boissons hors de portée de la majorité de la clientèle ;
– TVA : son taux est de 12% sur l’activité hôtelière et de 18% sur le para-hôtelier (location de salle, boutiques…) (la TVA est de 7% en Espagne, de 5% à Malte et Chypre et de 9% en Grèce) ;
– taxe hôtelière : 2% sur le chiffre d’affaires brut de l’activité, et ce sans plafond ;
– TCL : 0,2% du chiffre d’affaires brut des locations ;
– taxe pour le fonds de la compétitivité : elle était de 0,5% du chiffre d’affaires brut de l’activité hôtelière, ramenée à 1% depuis le mois de septembre 2011 ;
– TFP : 2% des salaires bruts ;
– FOPROLOS : 1% des salaires bruts ;
– impôt sur les sociétés : 30% du bénéfice fiscal ;
– CNSS sur les salaires bruts : elle vient de passer de 16,5% à 17,07% ;
– taxes diverses : droits de douanes, taxe de circulation, taxe de voyage, taxe sur l’importation des viandes de 1,7 dinars par kg, droit de timbre de 0,3 dinar par facture.
L’auteur conclut que « l’ensemble de ces taxes représente, selon le cas, environ 25% à 28,5% du chiffre d’affaires d’une entreprise hôtelière selon qu’elle soit bénéficiaire ou non, et se trouve donc à un niveau nettement plus élevé que la moyenne nationale qui n’est que de 20,4%… ».




Réunion des représentants de l’ONTT : craintes et espoirs

La réunion annuelle des représentants de l’ONTT, qui s’est tenue le 30 novembre, ne pouvait échapper à la morosité ambiante du fait d’une conjoncture incertaine ; morosité exprimée par les deux présidents des fédérations professionnelles. « Le tourisme devrait rester une cause nationale, et je crois que ce secteur est devenu secondaire pour le gouvernement », a ainsi observé Mohamed Ali Toumi, président de la FTAV, avant de demander au Ministre du Tourisme de transmettre les inquiétudes des professionnels au gouvernement. Elyes Fakhfakh a répondu en affirmant que « le gouvernement met le tourisme au centre de l’économie ».
Dans ce contexte, la présentation de la nouvelle campagne de publicité a été comme un rayon de soleil. Réalisée par l’agence Publicis, elle a remporté l’adhésion de quasiment tous les présents.

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Une campagne pour ré-enchanter la destination

«Libre de tout vivre » : tel est le slogan de la nouvelle campagne présentée par Publicis. Elle réintroduit une part de rêve dans la destination avec un concept qui propose des associations inattendues de lieux et d’activités, et semble bien partie pour « recréer un imaginaire haut de gamme et contemporain » (selon l’argumentaire de l’agence) grâce à la qualité de son exécution. De plus, la promotion de la Tunisie fera enfin son entrée sur le web grâce à des versions FaceBook, Google etc.

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Férid Fetni, Directeur Marketing ONTT, et son équipe avec à sa gauche Laurent Fauroux, Directeur Exécutif Publicis et Charlotte Desforges, Directrice de Clientèle en Charge du Budget Tunisie.

Marché français : un hiver plutôt morose

Programmation charter hiver en baisse de 2,5%, booking en recul de 5% par rapport à l’hiver 2011 et de 22% par rapport à celui de 2010… le marché français peine à nous pardonner nos égarements du mois de septembre. Exception à cette règle, selon l’ONTT Paris : le TO Marmara, qui affiche des réservations en progression de 14,5% par rapport à l’hiver dernier grâce à « des tarifs défiant toute concurrence », selon Néji Ben othman de l’ONTT Paris. Autre exception, le TO Voyamar, qui vient d’annoncer une augmentation de sa programmation aérienne de 20% sur 2013, après avoir pensé maintenir son programme de 2012 (voir entretien avec Laurent Abitbol).
Sauf accident majeur, la Tunisie pourrait, toujours selon M. Ben Othman, limiter les dégâts en terminant l’année 2012 à 950 000 touristes français, soit une baisse de 31% par rapport à 2010.

Marché russe : encore un effort

Malgré son potentiel et sa progression à deux chiffres cette année (+65,7% au 20 novembre, et +33,8% pour la même période par rapport à 2010), le marché russe peine à quitter son statut de marché saisonnier par manque de promotion et de programmation aérienne en hiver ; sans oublier l’accueil encore inadapté au sein des hôtels, avec un personnel et une communication peu russophones.
En effet, malgré l’augmentation de 186% du budget de promotion sur la Russie annoncée au début de cette année, et bien que son montant en valeur absolue ne soit pas divulgué, celui-ci reste de l’avis général bien inférieur aux montants qu’y consacrent la Turquie (14 millions $ pour 3,2 millions de touristes russes et 18,5% de part de marché) ou l’Egypte et la Grèce (4 millions $ chacune).
Pour l’aérien, le marché semble boudé par Tunisair. Son activité, selon les chiffres communiqués par l’ONTT Moscou, est quasi symbolique avec une part de 5,6% du trafic sur la Tunisie, contre 28% pour Nouvelair et 34,5% pour Transaéro.
Pour éviter que l’embellie de cette année ne soit qu’une parenthèse de croissance favorisée par la chute de l’Egypte (celle-ci a perdu près d’un million de touristes russes en 2011), l’ONTT Moscou préconise une augmentation annuelle de son budget de 20% jusqu’en 2015, année pour laquelle l’objectif est d’atteindre 450 000 entrées de touristes russes.

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Les dindons de la farce

Le tourisme, et plus spécialement l’hôtellerie, vivent en ce moment entre la flambée des coûts et les coups bas du gouvernement. Le tourisme, et plus spécialement l’hôtellerie, vivent en ce moment entre la flambée des coûts et les coups bas du gouvernement. En effet, entre les déclarations d’intention du gouvernement en faveur du tourisme et les actes qui démontrent une tout autre intention, on se perd. Depuis un an, on assiste à un vrai travail de sape du tourisme tunisien. Non content d’avoir transféré le pays de la liste des “destinations bas de gamme” à celle des “destinations à risque”, le gouvernement s’évertue à réduire à néant le peu de compétitivité qu’avaient encore les entreprises touristiques, en projetant de nouvelles taxes qui viendraient s’ajouter à l’inflation galopante de ces derniers mois.
Il en est ainsi de l’augmentation des taxes sur les boissons alcoolisés fabriquées localement (celles qui sont concernées par le all inclusive) ou de l’instauration d’une taxe de séjour de 2 dinars par nuitée et par client. Ces taxes viendraient s’ajouter à une pression fiscale déjà forte et estimée entre 25% et 28% du chiffre d’affaires d’un hôtel, contre une moyenne de 20,4% pour l’ensemble des secteurs de l’économie nationale (voir page 5).
Le cas de la taxe de séjour est exemplaire du traitement que nos gouvernants réservent au tourisme. Cette taxe, réclamée depuis belle lurette par les professionnels, devrait être payée à l’aéroport d’arrivée, comme cela se passe dans quelques pays ; et sa recette devrait servir, disaient les professionnels, à renflouer le budget de promotion et à alléger ainsi la contribution de l’Etat dans ledit budget.
Première erreur de la proposition de la loi des Finances 2013 : la taxe serait payée à l’hôtel. Sachant que les prix hôteliers sont toujours négociés en “TTC”, cette augmentation reviendrait – selon qu’elle serait intégrée ou non dans le prix de vente – à amputer soit la marge de l’hôtel, soit sa compétitivité.
Quand on sait qu’une augmentation d’un dinar ou même de 500 millimes par nuitée nécessite des jours de négociation avec les TO, que va-t-il se passer quand il faudra leur annoncer une augmentation de 2 dinars par nuitée, en plus des augmentations résultant des autres taxes prévues ?
Seconde erreur, qui est plutôt une tromperie, dans ce projet de taxe : elle serait allouée pour moitié à la Caisse de compensation, sous prétexte que les touristes mangent du pain subventionné. Or un calcul rapide dans les comptes d’un hôtel 4 étoiles sur la contribution des produits alimentaires subventionnés dans le prix de vente nous donne le chiffre de 120 millimes par nuitée ; on pourrait l’arrondir à la rigueur à 200 millimes, certainement pas à 1 dinar.
Dernière tromperie, et non des moindres. En proposant cette taxe, les professionnels supposaient qu’ils deviendraient les cogestionnaires du budget de promotion dans le cadre d’une réforme de l’ONTT. Or rien de tout cela n’est prévu. On a l’impression de revivre le scénario de la taxe qui a jadis servi à créer le Fonds de compétitivité (1% du chiffre d’affaires) : on avait d’abord fait miroiter aux hôteliers la possibilité qu’ils le gèrent par eux-mêmes.

Conclusion : si le tourisme devient de plus en plus la vache à lait des gouvernements, nos hôteliers sont, eux, les éternels dindons de la farce.




L’Espagne, un modèle pour le tourisme tunisien ?

Au moment où notre tourisme cherche une voie pour se relancer, et alors que la feuille de route proposée par le ministère du Tourisme ne semble pas susciter une grande adhésion (voir Le Tourisme n°8 de mai 2012), l’inspiration pourrait nous venir d’une destination qui ressemble plus qu’une autre à la Tunisie ; une destination qui a bâti son succès sur le tandem “plage et soleil”, qui a dû faire face au vieillissement de son parc hôtelier constitué essentiellement de resorts, et dont les clients viennent principalement par voie aérienne. Il s’agit de l’Espagne, destination dans laquelle on ne veut voir qu’un concurrent, alors qu’elle représente un modèle de développement qui marche.

En effet, bien qu’elle soit devancée par la France en termes d’arrivées touristiques, l’Espagne est la première destination européenne en matière de recettes, et la deuxième mondiale après les Etats-Unis. En d’autres termes, l’Espagne et Turespana ont réussi là où la France et Atout France ont échoué.

Ce succès vaut à la péninsule ibérique un intérêt croissant de la part des décideurs du tourisme français. Un intérêt qu’illustre une étude réalisée en janvier 2011 par le cabinet KPMG pour le compte du ministère français de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi et portant sur une analyse comparative des centres de profit des industries touristiques des deux pays. De ce rapport de 233 pages, nous publions quelques faits et chiffres en y ajoutant une comparaison avec le tourisme tunisien.

Les recettes

Si les recettes touristiques sont un critère important, sinon le premier, de l’efficacité d’une politique de développement et de la compétitivité du secteur, l’Espagne en est la championne incontestée. La France semble se satisfaire de sa place de première destination mondiale en termes d’entrées touristiques, même si 11 millions des arrivées, soit 14%, ne font que transiter par le pays. Troisième mondiale en termes d’entrées, l’Espagne est deuxième en termes de recettes derrière les Etats-Unis avec 62,5 Mds $ en 2009 et 77 euros de dépense moyenne par jour, contre 62 euros pour la France.
Comme le montrent les graphiques ci-dessous, l’Espagne n’a cessé ces dernières années de creuser l’écart avec la France. En effet, l’écart de dépenses moyennes par séjour entre les deux pays était de 50% en 2006 et est passé à 54% en 2009. De toute évidence, les deux pays ont fait des choix de stratégies différentes.
En Tunisie, on semble avoir pris parti pour la voie française. Comme nous le rappelions dans notre numéro de mai, « avec quelque 500 dinars (soit 250 euros) de recette par touriste, notre destination a toujours été détentrice du record de la plus faible recette par touriste parmi ses concurrents en Méditerranée. Ceci n’a pas empêché nos ministres successifs de célébrer tous les ans, tous les mois et toutes les semaines, les bons chiffres des entrées aux frontières. »

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Organisation et promotion

La promotion touristique en Espagne est réalisée par Turespana, dont le budget était en 2009 de 201,5 millions d’euros, et les agences de promotion touristique régionale, provinciale et celle des villes. Le budget des régions s’est élevé en 2009 à 346 millions d’euros (voir graphique) dont 90,4 millions pour l’Andalousie qui détient le premier budget régional.

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Budget marketing et promotion des différentes communautés autonomes en Espagne en 2009 (en millions d’euros)

Transport et fidélisation des clients

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Le low-cost fidélise le client

En 2009, 42,3 millions parmi les touristes internationaux répétaient leur visite, soit un “taux de retour” de 80%. Le nombre de visiteurs qui viennent en Espagne pour la dixième fois ou plus se situe à 48%.
Les auteurs de l’étude expliquent ce taux élevé par « le développement des transports low-cost au début des années 2000, l’achat de résidences secondaires, les visites familiales, etc. » Ces statistiques ne seraient pas disponibles en France.
Les compagnies low-cost transportent quelque 30 millions de passagers vers l’Espagne, soit 55% des arrivées internationales. En 2008, ces passagers venaient essentiellement du Royaume-Uni (17,3 millions), d’Allemagne (10,9 millions) et d’Italie (5 millions). Près de 90% des passagers low-cost étaient déjà venus en Espagne, et parmi eux 40% sont déjà venus au moins 10 fois, et 20% entre 4 et 6 fois.

Le low-cost n’altère pas les recettes

Même si les touristes européens arrivés en Espagne par un vol low-cost dépensent en moyenne 167 euros de moins qu’un voyageur ayant pris un vol traditionnel, l’étude conclut que pour l’ensemble du tourisme espagnol, « la progression des arrivées low-cost n’a pas eu d’impact sur le niveau de dépenses moyennes par séjour, qui a continué à progresser dans les années 2000 ».

Hôtels en Espagne, camping en France

En Espagne, l’hébergement marchand est dominé par l’hôtellerie qui concentre 56% des lits disponibles, contre seulement 17% en France – celle-ci se distingue par la domination du camping qui totalise 48% des lits disponibles en hébergement marchand, soit 2,7 millions de places. La Tunisie est beaucoup plus proche du modèle espagnol, et les hôtels classés (sans atteindre le nombre de leurs homologues espagnols) y représentent 90% de l’hébergement marchand répertorié par l’ONTT (celui-ci ne recense pas l’hébergement locatif saisonnier ou à l’année, les meublés et chambres d’hôtes).

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La gouvernance, clef de voûte du succès espagnol

Le tableau ci-dessous résume les atouts et les faiblesses comparés de l’Espagne et de la France. Mais les vrais atouts de l’Espagne sont, selon cette étude, la forte promotion à l’étranger et une « gouvernance du tourisme structurée autour des acteurs privés ».
En effet, les auteurs donnent une conclusion à ce propos qui doit nous donner à réfléchir :
« En Espagne, la stratégie touristique pour 2020 a été élaborée par le Consejo de Turismo qui réunit des institutionnels, des personnalités émanant des entreprises et des techniciens reconnus. Cette démarche participative garantit l’adhésion des entreprises privées comme des Communautés Autonomes malgré les fortes identités régionales. En France, la répartition des compétences du tourisme demeure peu lisible et n’incite pas les entreprises privées à s’impliquer activement. Par ailleurs, les associations et fédérations professionnelles, malgré leur poids, sont dirigées par des professionnels souffrant parfois d’un manque de légitimité ».
Que peut-on ajouter, sinon que, comme l’annoncent certains romans, toute ressemblance avec le cas de la Tunisie ne serait que pur hasard ?

Avantages concurrentiels et atouts de la France et de l’Espagne

Avantages-concurrentiels-France-et-l’Espagne-Légende : +++ structuration/ organisation très performante
++/+ structuration/ organisation performante
– faible organisation/ peu d’investissements
Source : KPMG THL
L’Espagne présente des atouts, comparativement intéressants par rapport à la France, sur les filières suivantes :
1. L’hôtellerie « resort » en termes de commercialisation et de positionnement
2. Le tourisme de congrès
3. La filière de la croisière
4. Le tourisme des seniors

 




Le “butin” de l’ancien régime exposé à Carthage

Le musée de Carthage va montrer au public le patrimoine volé par le clan Ben Ali et récupéré depuis la Révolution, dont la tristement fameuse statue de Vénus transformée en lavabo. En tout, plus de quatre-vingt pièces : céramique, stèles, chapiteaux… L’exposition devrait ouvrir le 14 Janvier prochain.




Sondage : Ennahdha, Nidaa Tounes et les autres…

Le cabinet 3C a présenté le 26 novembre un nouveau sondage d’intentions de vote. Pour les élections législatives, Nidaa Tounes talonne toujours Ennahdha et frôle à présent la barre des 30%. En revanche, pour des présidentielles Béji Caïd Essebsi perd 3 points depuis le sondage d’octobre ; mais on remarque que les intentions de vote pour Taïeb Baccouche augmentent en parallèle, comme si les électeurs avaient déjà intériorisé l’invalidation de l’ancien Premier ministre.

Le Front Populaire continue sa progression et gagne le statut de troisième formation pour les législatives. En revanche, les partis Joumhouri et Massar poursuivent leur lente descente dans les sondages. Néjib Chebbi se voit même positionné en cas de présidentielles derrière… Ben Ali, cité en réponse spontanée* par 1,2% des sondés.
Ennahdha a progressé légèrement de 0,5 point depuis le sondage précédent, ce qui, selon le cabinet 3C, serait une conséquence des événements de Gaza. Quant à Ghannouchi, descendu à tout juste 1% d’intentions de vote, il s’apprête à rejoindre bientôt la catégorie des “zéro virgule”.

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Intentions-vote-elections-Presidentielles




Zaouïas, lieux de mémoire

Modeste coupole blanche, ou vaste complexe richement décoré ; petit saint local, ou mystique prestigieux ; dévotions discrètes ou pèlerinages attirant des milliers de participants ; haute spiritualité ou dérives superstitieuses… sous une forme ou sous une autre, soufisme et mausolées de saints appartiennent depuis un bon millénaire au paysage tunisien.

Quelle est l’origine des zaouïas ? Les historiens de l’Antiquité font remarquer que la Tunisie chrétienne était déjà parsemée de petites chapelles et de tombes de saints personnages. Les sacrifices d’animaux étaient représentés sur les stèles puniques et romaines. Les religions changent, mais les formes de dévotion demeurent au plus profond des inconscients, et se transmettent de génération en génération…
Dès le début de l’ère musulmane, à mesure que califes et émirs s’installaient dans l’opulence, des dévots ont fait le choix de renoncer aux honneurs, au confort et aux biens de ce monde pour vivre dans la simplicité. Un ascétisme symbolisé par leurs vêtements de laine qui leur valurent très tôt le surnom de soufis.

Les zaouïas vues par un voyageur du XIXe siècle : « Les sauvias sont des lieux de refuge et d’immunités, la plupart des fondations royales, on y donne à manger et à loger aux voyageurs. Les malheureux y ont un azile assuré. L’on ne peut y former aucun acte d’hostilité ny arrêter aucun prisonnier que par ordre exprès du roy. Les esclaves de quelque religion qu’ils soient y sont reçus, les plaintes contre leurs maîtres écoutées, et ils peuvent y rester jusqu’à ce que leurs patrons ayent résolu de les vendre si l’esclave le veut absolument. Enfin ces sauvias jouissent de privilèges aussy et peut-être même plus grands que ceux des églises d’Italie et d’Espagne. » Jean-André Peyssonnel, Voyage dans les régences de Tunis et d’Alger (1838)

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Face à la mer

En Tunisie, ces ascètes trouvèrent tout naturellement à s’employer dans les ribats, fortins répartis tout le long du littoral qui formaient un système de surveillance contre les invasions venues de la mer. Ils sont devenus des gardiens de ribats, des mourabitoun – mot qui restera et sera francisé en “marabout”.
Nul doute que la présence de ces hommes pieux et de leur baraka ajoutait au sentiment de protection des populations vivant près des ribats. Peut-être aussi, à observer la mer sans relâche, les gardiens ont-ils pris des habitudes de méditation ? Est-ce un hasard si, aujourd’hui encore, tant de “marabouts” sont construits face à la mer ? Sidi Bou Saïd, Sidi Mahresi à Nabeul, Sidi Bouhadid à Hammamet, Sidi Boumendil à Hergla, Sidi Yati et Sidi Jemour à Djerba… on ne compte pas les coupoles blanches qui s’égrènent tout au long de la côte.
Nombre d’entre elles ont été transformées en café. Est-ce parce que le café a été longtemps la boisson des mystiques ? Avant de se banaliser, ce breuvage était considéré en effet comme un puissant psychotrope, utilisé par les mystiques dans leurs nuits de veille et de méditation. Même le fameux Café des Nattes de Sidi Bou Saïd faisait autrefois partie de la zaouïa d’Abou Saïd el Béji, avant d’en être séparé par une cloison. Son haut escalier était l’entrée principale du sanctuaire ; l’énorme diffuseur d’encens qui trône en son milieu demeure, comme un évocation de cette époque. Mais de nos jours, ce n’est plus tant la communication avec le Divin qui est recherchée dans ces zaouïas en buvant son café, mais plutôt… la connexion aux réseaux sociaux, grâce au code Wifi qui figure sur le ticket de caisse !

Une visite en famille à Sidi Fathallah : « La zorziha : colline aux pierres plates et lisses. Nous devions grimper à son sommet et nous laisser glisser jusqu’en bas, où un creux dans le rocher arrêtait notre descente. Les glissades s’effectuaient, couchés sur le ventre, puis couchés sur le dos, puis sur le côté droit, puis sur le gauche, puis la tête en bas ; cette dernière position était la plus difficile et la plus impressionnante. Ces exercices n’étaient pas uniquement prévus pour maintenir le corps en forme ; cette colline se trouvait être le toit du marabout de Sidi Fathallah construit à même le rocher, nous étions donc protégées et assistées par sa baraka. Cette pratique garantissait, paraît-il, la santé, et surtout, pour nous, la bonne humeur. C’était en effet une véritable fête que de grimper puis de se laisser tomber. Nous riions aux éclats. Nous devions soutenir notre mère, encore faible, pour l’aider à grimper et à glisser, car malgré son état de convalescente, cet exercice périlleux lui était obligatoire pour recouvrer définitivement la santé. » Maherzia Amira-Bournaz, C’était Tunis 1920 (Cérès éditions)

Du côté des faibles

Vénérable institution, la zaouïa offre à ceux qui la visitent sa baraka, l’aura bénéfique du fondateur restant attachée au monument par-delà sa mort, ainsi que son pouvoir d’intercéder auprès de Dieu pour apporter la guérison ou exaucer des vœux. La zaouïa est lieu de culte et d’enseignement, mais aussi de convivialité. Elle secourt les indigents, logeait autrefois les étudiants, elle sert de cadre aux rituels des confréries et à des célébrations familiales. Elle est imbriquée dans tous les aspects de la vie sociale, autant que physiquement omniprésente dans les villes et les campagnes.
Certaines zaouïas ont joué un grand rôle dans l’intégration de minorités. Sidi Mahrez aurait organisé la protection des juifs de Tunis ; jusqu’à nos jours, les juifs tunisiens racontent qu’il leur aurait permis de résider à l’intérieur de la médina, en leur attribuant un quartier proche de sa maison. Au XVIIe siècle, alors que des milliers de Morisques chassés d’Espagne débarquaient sur les côtes tunisiennes, Abou el Ghayth el Qashshash apporta aide et soutien à ces musulmans convertis de force au christianisme, qui bien souvent avaient perdu tous leurs biens et ne parlaient même pas l’arabe ; en plus de son action caritative, il leur permit d’enseigner l’islam à leurs enfants en langue espagnole.
En 1846, après le décret beylical abolissant l’esclavage, les Noirs libérés se regroupèrent dans une confrérie autour de la zaouïa de Sidi Saad, à Mornag. Celle-ci, rattachée symboliquement au Noir Bilel, premier muezzin de l’histoire, leur offrait une légitimité et un patronage prestigieux, une “étoile noire” à laquelle accrocher leurs espoirs. Fréquentée assidument par des Blancs autant que par des Noirs, elle a contribué à les mêler au reste de la population. En intégrant au culte des rites et des musiques d’origine africaine, elle a pérennisé un pan de la culture de leurs pays d’origine. La confrérie était présidée par le premier eunuque noir de la cour beylicale, un serviteur de haut niveau protocolaire formé dans les palais d’Istanbul ; d’où peut-être le nom de Stambali donné à cette musique.

La confrérie de Sidi Bilal : « En Tunisie, comme dans tout le Maghreb, les groupements de Noirs musulmans se présentent comme les descendants de Sidi Bilal, ou « fils de Sidi Bilal ».  Ce dernier représente à leurs yeux l’ancêtre de tous les Noirs (ousfane) de l’Afrique du Nord, voire de tous les Noirs musulmans (…) On peut considérer d’une certaine manière que la conversion de Bilal constitue un acte libérateur. Bilal a mérité le statut d’homme libre par le fait qu’il ait exercé son droit de choisir sa religion. Par son héroïsme, il incarnait le rêve de libération de tous les esclaves noirs. » Ahmed Rahal, La Communauté noire de Tunis, thérapie initiatique et rite de possession (L’Harmattan)

Les femmes aussi ont trouvé de tous temps un espace chaleureux dans les zaouïas, qu’elles fréquentent assidûment. Est-ce parce qu’elles y retrouvent l’atmosphère d’une maison ? La plupart des zaouïas étaient effectivement, à l’origine, la maison même de leur fondateur ; elles en gardent l’allure avec leurs patios et leurs chambres tapissées de carreaux de céramique. Quand la mosquée apparaît comme un univers essentiellement masculin – les femmes y entrent par une porte dérobée, prient derrière les hommes, n’occupent pas de fonction officielle – la zaouïa est un lieu mixte où les femmes sont accueillies comme les autres fidèles, sans même obligation de se voiler. Les chants et surtout les danses de transe leur donnent l’occasion d’extérioriser leurs sentiments, même les plus violents, en oubliant les contraintes de bienséance de la société traditionnelle. Et des femmes y participent activement au culte, parfois à un haut niveau de responsabilité. Une femme peut ainsi diriger les séances musicales, ou être une mokkadema, c’est-à-dire apte à initier les fidèles au rituel ; à Sidi Saad, elle peut même devenir arîfa (“savante”), ce qui équivaut au grade de cheikh.
Plus profondément, il faut se rappeler qu’un des tout premiers mystiques musulmans de l’histoire était une femme : Râbia el Adawiyya, qui vivait à Bassorah au VIIIe siècle et renonça aux plaisirs de la vie pour se consacrer à l’amour de Dieu. Et un des plus grands saints de Tunisie est une sainte : Sayda Manoubiya, disciple de Sidi Belhassen, qui participait avec les hommes à des discussions théologiques. La “Dame de la Manouba” – son village de naissance, où se trouve aujourd’hui sa zaouïa – s’est vue donner le titre de Qotb, “pôle”, soit le plus haut degré de sainteté dans la hiérarchie mystique.

A la zaouïa de Sayda Manoubiya : « Certaines affiliées expliquent que chaque fois qu’elles se sentaient soucieuses ou inquiètes, elles venaient à Saïda parce qu’au sanctuaire leurs inquiétudes se dissipaient et elles devenaient sereines. D’autres, sans que la recherche de la paix soit leur motivation première, ne cachent pas aussi que le sanctuaire leur procure la paix. L’expression “je me sens très à l’aise au sanctuaire” se répète souvent dans les entretiens. Cette expression reflète un bien-être, mais aussi une certaine familiarité avec l’espace : “je me sens comme chez moi”, disait-elle ; mais également une familiarité qui s’instaure rapidement avec les autres visiteuses. (…) “Quand je me sens mal, anxieuse, je me dis que c’est parce que je me suis absentée de Saïda. J’ai l’impression que quelque chose me manque, je me sens vraiment malade, je n’ai plus la force de m’occuper de mon foyer, je viens à Saïda et le lendemain je me sens bien mieux.” » Mounira Saad, La perpétuité des pratiques cultuelles, le cas de Saïda Manoubiya (revue de l’IBLA, 2001)

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De la méfiance à la reconnaissance

Le mysticisme des premiers soufis, qui recherchaient la Connaissance de Dieu et l’Amour divin, a très tôt suscité des critiques. A Bagdad, El Hallaj a été condamné à mort pour s’être écrié publiquement, pour exprimer son expérience de l’extase mystique : « Je suis la Vérité ». L’orthodoxie musulmane voyait d’un mauvais œil leur tendance à s’isoler de la communauté des musulmans, ou encore certaines doctrines bizarre comme la malâmatiyya, qui consistait à rechercher exprès la réprobation publique pour progresser spirituellement… Pour que les soufis soient pleinement reconnus, il aura fallu la grave crise déclenchée par les mo’tazilites, ces penseurs qui appliquaient à la science religieuse la rationalité de la philosophie grecque. Après de violentes polémiques, la grande réconciliation sous l’égide du penseur El Ghazali permit aux mystiques de devenir des alliés de l’islam officiel. Le rigorisme d’un Ibn Taymiyya, qui au siècle suivant s’opposera aux visites de tombeaux de saints, et dont se réclameront plus tard les wahabites, n’y changera rien.
D’autant que les soufis auront gagné leurs lettres de noblesse en combattant pour la protection du territoire face aux envahisseurs, ou pour la défense du sunnisme contre les Fatimides chiites. Sidi Bou Ali, le “sultan du Jérid”, aurait quant à lui chassé le kharijisme de Nefta. De ces siècles lointains et des grandes peurs qui les ont accompagnés, l’hagiographie des saints a conservé des récits merveilleux. Ainsi Sidi Mahrez, le premier grand saint de Tunis qui vécut autour de l’an 1000, aurait terrassé Badis, émir ziride de l’Ifriqiya, après avoir conduit une révolte contre les maîtres chiites du pays. On raconte que le prince, qui voulait punir la ville, fut transpercé par sa propre épée lorsque le saint prononça ces seuls mots : « Tunis demeurera et Badis disparaîtra ! »

Né dans le mausolée de Sidi Bou Saïd… « Mon grand-père Mohamed Ben Jaafar qui était Amine des chawachias a accueilli ma mère à la maison de vacances familiale de Sidi Bou Saïd lorsqu’elle attendait son enfant et que mon père était retenu loin de Tunis, à Jedaïda, pour les besoins de son exploitation agricole. A cette époque, les Tunisois s’installaient pour la saison d’été dans cette banlieue et y restaient jusqu’au début de l’hiver. Cette année-là, ma mère éprouva les premières douleurs et, loin de toute assistance médicale qu’on ne pouvait ramener aisément de Tunis, fut transportée sur ordre de mon grand-père au mausolée du saint patron de la ville afin d’y accoucher sous sa bénédiction. « Si c’est un garçon, disait mon grand-père, il portera le prénom de Béji, et si c’est une fille, ce sera Saïda. » C’est ainsi que j’ai vu le jour au mausolée de Sidi Bou Saïd El Béji dont je porte le nom. » Béji Caïd Essebsi, Habib Bourguiba, le bon grain et l’ivraie (Sud éditions)

Les saints n’étaient pas tous des ascètes. Certains étaient des martyrs tombés au combat. Le plus célèbre d’entre eux est Abou Zama‘a el-Balaoui – surnommé Sidi Saheb – qui participait à la conquête de l’Ifriqiya lorsqu’il mourut près du site où serait bientôt bâtie Kairouan, portant sur lui quelques cheveux du Prophète dont il était un compagnon. Sa zaouïa dite “du Barbier” est un des monuments les plus connus de Tunisie.Mais d’autres compagnons du Prophètes sont morts en Tunisie et y ont leur mausolée : Abou Loubaba el-Ansari (ou Sidi Boulbaba) à Gabès, et Sidi el-Fehry el-Ansari, à Dar Chaabane près de Nabeul.
Entre Carthage et Tunis, des petites coupoles forment ce qu’on a appelé la “chaîne d’or” : elles célèbrent le souvenir de combattants tués en repoussant l’invasion de Tunis par Saint Louis.
C’est sous les Hafsides que sont nés véritablement les sanctuaires appelés zaouïas. Celles-ci étaient d’abord des refuges pour les pauvres et les voyageurs, à qui elles assuraient le gîte et le couvert. Elles offraient aussi un asile aux personnes poursuivies par la justice, qui échappaient ainsi à leur condamnation. Plus tard, beaucoup ont été rattachées à des confréries et s’emplissent régulièrement des chants, des danses extatiques et des tourbillons d’encens de leurs rituels. Au XIXe siècle, des oulémas dirigeront eux-mêmes des confréries et certains seront vénérés comme des saints, comme Sidi Brahim Riahi – confirmant la symbiose entre islam des mosquées et islam des zaouïas.

Des conservatoires de la musique arabe : « Le développement des confréries n’a pas eu seulement des conséquences sur la vie politique et sociale de la population. Il a également contribué à la sauvegarde, voire à l’enrichissement du patrimoine musical. Gardiennes de la tradition, la plupart de ces zawiya se présentent comme un centre d’épanouissement pour l’art musical, à un tel point que leurs répertoires respectifs sont devenus la norme à partir de laquelle se juge la compétence des musiciens ; la majorité d’entre eux leur doivent d’ailleurs leur formation professionnelle. (…) Le corpus substantiel et varié de certaines confréries témoigne des particularités locales et repose sur les mêmes tubu’, les mêmes formules mélodiques et rythmiques et parfois les mêmes textes que le répertoire des nubat profanes. » Mahmoud Guettat, La Musique arabo-andalouse, l’empreinte du Maghreb (éditions Fleurs Sociales/El-Ouns)

Un rôle politique

Si les saints font l’objet d’une grande dévotion, c’est aussi parce qu’ils étaient proches du peuple et tenaient tête aux puissants. Ces derniers devaient parfois passer par eux pour être agréés. Ainsi, Sayda Manoubiya a exigé et obtenu que le sultan hafside Abou Zakariya, qui désirait la voir, aille à pied à son domicile et se présente à elle pieds nus. Crainte des pouvoirs des saints ou calcul politique, la dynastie mouradite a scellé son accession au pouvoir en offrant au peuple de Kairouan la magnifique zaouïa dédiée à Sidi Saheb, illustre compagnon du Prophète mort en Ifriqiya. La dynastie husseinite fera de même en construisant la mosquée-zaouïa de Sidi Bou Saïd. Plus près de nous, en 1989, Ben Ali, installé au pouvoir, a ordonné la réouverture d’un sanctuaire qui avait été fermé sous Bourguiba : la seconde zaouïa de Sayda Manoubiya située à Tunis. Selon la responsable du sanctuaire, le secrétariat de la Présidence a offert à cette occasion un taureau pour le sacrifice…
Bien sûr, les zaouïas ont connu des dérives. Bien loin de l’ascétisme des débuts, certains gestionnaires de zaouïas ont fondé des dynasties enrichies par les dons et les héritages légués par les fidèles, au point d’appartenir à la haute bourgeoisie du pays. Bien loin de l’héroïsme des premiers martyrs et de la tradition contestataire des anciens soufis, certaines zaouïas se sont inclinées devant le pouvoir politique, qui les a utilisées pour encadrer la population. Et bien loin de la spiritualité élevée des grands mystiques, certaines ont servi de couverture à des pratiques magiques, au charlatanisme, quand ce n’était pas à de véritables clubs de rencontres…
A l’Indépendance, confréries et zaouïas ont été accusés de tous les maux : archaïsme, obscurantisme, corruption, collusion avec les autorités coloniales… Les dérives les plus graves, comme les mangeurs de clous et de cactus des rituels de transe de la Aïssaouiyya, ont été interdites. Les zaouïas les plus riches ont été privées de leurs biens habous. Beaucoup ont été désaffectées, quelques-unes détruites.

Wahhabites versus zaouïas : « Lorsque sous le règne de Hammouda Pacha (1782-1814) circula, à Tunis, un message du chef des wahhabites, Mohammad b. Abd el Wahhab, dans lequel il prêchait le retour à l’islam des origines et condamnait violemment les visites aux tombeaux et la croyance dans le pouvoir d’intercession de quiconque, et en particulier des confréries et des saints, [il suscita], comme dans l’ensemble du monde ottoman, une vive réaction de l’Etat et des oulémas. Deux d’entre eux, les cheikhs Mahjoub et Ismaël el Tamîmî, rédigèrent des réponses savantes dans lesquelles ils justifièrent l’usage des visites aux tombes et l’intercession des saints. » Mohamed-el Aziz Ben Achour, Zaouïas et confréries (Sagittaire éditions)

 Les zaouïas ne meurent jamais

Mais les zaouïas ne meurent jamais. Quand le village de Tamerza a été détruit par la crue de son oued en 1969, tout a été abandonné sauf la zaouïa de Sidi Bou Dhaher, toujours entretenue. Celle de Sidi el Bayli à Tunis, détruite par les autorités après l’Indépendance, a ressuscité sous forme d’un petit édifice où les fidèles déposent leurs offrandes, lorsque leurs vœux ont été exaucés.
Depuis des décennies, les zaouïas disséminées dans le paysage tunisien, aussi petites soient-elles, étaient préservées. Projets immobiliers et infrastructures routières prenaient soin de les éviter. Il aura fallu la Révolution pour que certaines soient atteintes par le vandalisme. Honnies par les wahhabites, même les zaouïas les plus prestigieuses sont attaquées – comme celle de Sayda Manoubiya, à la Manouba, dévastée et brûlée le 16 octobre dernier. Paradoxe : ceux qui dénoncent à tout propos “l’atteinte à leurs sentiments religieux” sont apparemment les mêmes qui s’arrogent le droit d’agresser la beauté, le patrimoine et les convictions intimes de leurs compatriotes. Un comble !

Guillemette Mansour

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