CDC, Siyaha Capital etc. : le ministère nous répond

Suite à notre article “Tourisme : le ministère des copains et des coquins”, nous venons de recevoir un « droit de réponse » non signé de la part du ministère du Tourisme ; un droit de réponse qui ne répond à rien et nous laisse perplexes quant à la compétence et à la sincérité de ses rédacteurs. Nous le publions avant d’y apporter les précisions nécessaires :

 

« Suite à votre article paru dans votre livraison du 13 novembre 2014 intitulé “le Ministère des copains et des coquins” relatif à la polémique autour de la table ronde organisé par la ministère du tourisme sur les Investissements touristiques avec la CDC et auquel ont été conviés à une prise de parole «Syaha Capital», le «Fond Culturel pour l’Héritage » et l’auteur du livre « Repenser le tourisme « Mounir Sahli, il y’a lieu de revenir sur quelques points pour lever certaines incohérences.

Avant cela, le Ministère du tourisme s’étonne de la teneur de cet article qui porte atteinte au Ministère dont les responsables et l’ensemble de ses équipes ne sont mus que la seule volonté de s’inscrire dans l’action. Au quotidien, ils s’évertuent à essayer d’apporter les meilleures solutions aux problèmes structurels du secteur dont la question de l’investissement. Le Ministère du Tourisme dément à ce propos et formellement toutes formes de copinage et de favoritisme privilégiant la transparence totale et la concertation permanente avec toutes les parties concernées. Il déplore ainsi toutes les allégations mentionnées par l’auteur de l’article qui aurait pu respecter les règles les plus élémentaires du métier de journaliste et s’assurer de la véracité de ses propos auprès des parties concernées y compris les services du Ministère du tourisme.

L’ambition de ce débat est de faire émerger une nouvelle approche de promotion des investissements à travers le recours à d’autres formes de financements. L’ambition est de déboucher sur d’autres reflexes innovants en la matière.
Les explications des responsables de la CDC quant son rôle, sa mission et ses prérogatives ont été exhaustifs dans leur communiqué. Celui-ci a eu le mérite de dénuder les raccourcis hâtifs de l’auteur de l’article de tout fondement (lire les réponses de la CDC parues sur le site official de la CDC).

D’autre part, il s’agit de noter que:

1/Le workshop a enregistré la participation de banquiers, hôteliers, investisseurs des différents secteurs, des représentants de la Fédération Tunisienne des Agents de Voyages (FTAV) et de la Fédération Tunisienne de l’Hôtellerie (FTH)…

2/ La CDC est le partenaire du tourisme tunisien dans cette initiative et le pilote de cette opération et celles à venir. A un moment où l’économie tunisienne se porte au plus mal et où les appels à un partenariat Public/ Privé se multiplient, le ministère du tourisme s’engage à défricher de nouvelles pistes pour promouvoir l’Investissement.
La répartition des tâches pour ce workshop et pour les actions à venir sont et seront une émanation d’un travail d’équipes de directeurs de l’administration et de la CDC, d’experts, de professionnels du tourisme…

3/ Swicorp a intégré «Syaha Capital» depuis plus d’une année. Partenaire de la CDC, un accord d’intention a été signé le 7 décembre 2012 et la société Syaha a été créée le 30 décembre 2013.
Le fond ambitionne de lever 500 millions de Dollars US d’ici Juin 2015 et l’approche d’une levée de fonds dans les pays du Golfe est inspirée de ce qui a été fait par le Maroc qui a levé 1500 Millions de Dollars U. La Tunisie se range ainsi du côté de l’Égypte en créant une initiative similaire.
Les projets présentés à ce jour de «Syaha Capital» sont des partenariats avec des privés pour qui le financement traditionnel est arrivé à ses limites.

En effet, l’idée du fond «Syaha Capital» est de soulager le secteur en investissant dans des unités existantes en y injectant des fonds propres en partenariat avec des promoteurs intervenants afin d’améliorer la rentabilité de ces unités et surtout pour diversifier l’offre et répondre à une demande spécifique notamment dans la catégorie haut de gamme.

4/Cette démarche s’inscrit parfaitement dans la « Vision 3+1 » du Tourisme Tunisien qui porte sur la qualité, la diversification, la régionalisation, le « branding » et la gouvernance. Elle est même une des illustrations de la transformation en cours des institutions, comme celle de l’Agence Foncière Touristique (AFT) qui se doit de changer de modèle pour plus de modernité.

5/Alors que certains médias se demandent quelle opportunité représente cette problématique et au delà de cette fausse polémique, il s’agit de répondre aux questions suivantes : Comment financer les nouveaux projets du tourisme tunisien ? Comment redynamiser le secteur et changer le visage du tourisme tunisien de demain ? Comment mettre à niveau la destination ? Comment révolutionner le tourisme en harmonie avec la mission d’intérêt général et de notre responsabilité à créer des emplois, faire rejaillir ce secteur sur l’ensemble de l’économie et générer de la croissance ?…

Alors que l’investissement est l’une des missions du Ministère du tourisme, c’est une des urgences pour la Tunisie… » 

La réponse de Lotfi Mansour :

A la lecture de ce droit de réponse (envoyé aussi à notre confrère Business News), j’ai envie de paraphraser Winston Churchill : « le ministère ne dit rien et il a besoin de six jours pour ne rien dire ».
En effet, notre article publié le jeudi 13 courant pourrait se résumer autour de deux informations précises :

1) Le PV de réunion : celui-ci montre sans équivoque et sans aucune autre possibilité d’interprétation le rôle prédominant attribué à Siyaha Capital dans la Table Ronde et dans le projet de voyage. Le prétendu « droit de réponse » ne fait aucune allusion à ce PV. Siyaha Capital, quoi qu’en dise Mme la Ministre, est un fonds d’investissement privé dont le GP (c’est-à-dire general partner et donc patron) est SWICORP avec une participation de 10% du capital, et le CDC n’est qu’un “sponsor” de Siyaha Capital même s’il détient une participation de 30% du capital. Le CDC Gestion est aussi une entité privée de par la répartition de son capital.

2) Notre crainte de voir le CDC dévier de sa vocation d’organisme public (notamment à cause de l’absence de contrôle parlementaire voulue par son “géniteur” Jalloul Ayed et par la répartition du capital de CDC Gestion) : là aussi, aucune réponse n’est venue apaiser cette inquiétude légitime au vu, par exemple, de ce qui arrive ces jours-ci au CDG Maroc (partenaire de notre CDC). En effet, vingt-trois responsables du CDG Maroc sont auditionnés par la justice marocaine pour dilapidation de deniers publics et, selon notre confrère marocain Media24.com, « il ressort clairement que le mode de gouvernement adopté par les instituts publics facilite les abus et l’opacité des transactions ». Devant de tels risques, le législateur français a préféré soumettre le CDC français au contrôle d’une commission parlementaire où figure obligatoirement un membre de l’opposition. Le Maroc aussi prend ce même chemin.

En Tunisie, Mme Karboul préfère nous parler de « travail d’équipe » entre le privé et le public ; il ne manque plus que l’“amour réciproque”.

LM