Expo : sauvez les hammams !

Une exposition inédite : 19 photographes et artistes portent un regard neuf sur les hammams de Tunis, un patrimoine exceptionnel menacé d’oubli.

L’association “L’mdina wel Rabtine /Actions citoyennes en médina” est une association de riverains de la Médina de Tunis – et en particulier de ses nouveaux habitants, artistes, intellectuels, citadins venus des quartiers modernes ou de la banlieue nord, tombés sous le charme de la ville historique au point d’y élire domicile. Elle s’investit aussi pour la sauvegarde de ce patrimoine fragile. C’est ainsi qu’elle a lancé une enquête sur les hammams, se plongeant dans les cahiers de taxes municipales (Kharruba) du XIXe siècle.

Or les hammams historiques de Tunis vont mal. Coûts élevés de chauffage et d’entretien, désintérêt de la jeune génération… leur nombre a été divisé par deux depuis le XIXe siècle. Et pourtant ils sont une part intégrante de la mémoire collective.

Pour attirer l’attention sur cette situation, l’association a invité 19 photographes tunisiens et européens à se pencher sur des hammams peu connus de la Médina – certains abandonnés, d’autre encore en activité, certains remontant au Moyen Age. Résultat de cette rencontre inédite : une exposition de 114 photos pour tirer de l’oubli ce riche patrimoine, racontant aussi bien l’architecture que les rituels et les ambiances.

Des images souvent poignantes au premier abord : murs lépreux, carrelages d’un autre âge, petites gens et objets dérisoires… boîtes de conserve à tout faire, livres de compte consignant des sommes si modestes – 1,800 dinars le hammam “2ème classe” et 2 dinars avec maqsoura, tarif uniforme dans toute la médina – dans des lieux qui sont parfois de véritables monuments historiques. Sans parler de ceux qui, comme le hammam El Metihra, sont complètement à l’abandon.

Et pourtant les photographes ont su saisir aussi : la gaieté et la fraternité, les visages luisants de bien-être, les jeunes masseurs aux corps bodybuildés, une cigarette dans une main de femme, de vieux habitués perdus dans leurs songes…hammams-3

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Autant que des architectures, l’exposition raconte et donne à voir des histoires d’hommes et de femmes, des expériences vécues. Les témoignages des artistes se succèdent :

… « déserts, [les hammams] sont tristes, presque fantomatiques… »

… « des hommes et des femmes, saisis dans une intimité à la fois réelle et policée, dédiés pleinement à leur corps sans l’offrir au regard du photographe… »

… « c’est souvent en chantant et en dansant qu’ils [les masseurs] vous feront grimacer, le gant de crin à la main… »

… « le temple du matin et le médecin de la vie sociale… »

… « face aux sourires, à la joie, à l’absence de pudeur et à la liberté… »

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… « tel ce tunnel depuis lequel les mourants déclarent avoir vu l’au-delà, je perçois à partir d’une lucarne, haut perché, une lumière… »

L’exposition n’est qu’un des axes d’action d’un projet plus vaste. L’association a organisé des visites guidées, établi une carte des hammams – en activité, fermés ou démolis – et recueilli des témoignages approfondis auprès des propriétaires. Elle compte aussi faire des médiations entre les propriétaires et les institutions et accompagner les propriétaires à la recherche de solutions économiquement viables.

Palais Kheireddine, jusqu’au 30 juillet 2014. Sur Facebook.
En partenariat avec la Maison de l’Image, avec le soutien de l’Institut Français et de l’Ambassade de Suisse.

Les affiches de l’exposition (à g. : photo Mohamed Amine Abassi, à dr. : photo Arnaldo Gentrini)affiche finale regards posŽs.indd