Ces apprentis qui nous gouvernent

«Bien qu’elle possède le savoir-faire nécessaire pour assurer le succès du développement de son secteur touristique, la Tunisie ne semble pas avoir la clairvoyance et la force nécessaire pour sortir de la situation de blocage actuelle. » Cette conclusion est celle d’un rapport de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) réalisé en 2008. Elle résume parfaitement l’indécision politique caractéristique de la fin de règne de Ben Ali. Mais elle décrit aussi notre situation actuelle. Depuis le 14 Janvier, les gouvernements se sont succédé pour trouver chacun ses raisons de reporter à plus tard les réformes nécessaires à la reprise du secteur. L’actuel Ministre a failli convaincre lorsqu’il arguait de la crise et de la courte durée de sa mission (qui était d’un an) pour servir aux professionnels, en guise de “Feuille de route”, une version allégée d’un programme conçu sous Ben Ali.

Le résultat est bien décevant. Les négociations sur l’Open Sky sont au point mort. Le « soutien aux entreprises du tourisme » figurant dans le programme du gouvernement est inexistant. Pire encore, le dialogue entre le ministère et les deux fédérations professionnelles est quasiment rompu. La création d’une taxe sur le chiffre d’affaires des compagnies aériennes, annoncée en fanfare par le Ministre, s’avère un canular, et le ministère des Finances serait en train d’étudier le projet d’une “taxe sur les voyageurs” pour renflouer le budget de promotion.
La liste serait trop longue des promesses en l’air et des engagements non tenus, comme celui de « l’encouragement à l’investissement dans les régions intérieures » figurant dans le programme du gouvernement relatif au tourisme…
La table ronde sur le e-tourisme que nous publions dans ce numéro nous donne un exemple saisissant de ce contraste entre un ministère annonçant des projets qui ne font qu’attendre, et des professionnels qui parviennent, cahin-caha, à s’implanter sur Internet et à rivaliser avec leurs concurrents internationaux. Et ceci en l’absence de l’Open sky et de tout soutien marketing de l’Administration. C’est certainement grâce à ces managers que nous arrivons, d’année en année, à limiter les dégâts des crises successives connues par le secteur.
Le rapport de la BEI soulignait en fait un mal tunisien : la capacité de notre pays à produire des managers et des techniciens de haut niveau – dont beaucoup font aujourd’hui le bonheur de nos concurrents au Maroc, à Dubai ou ailleurs – tout en se montrant incapable de produire des hommes politiques dignes de gérer l’Etat.
L’attentisme du gouvernement actuel, suspendu qu’il est aux improbables prochaines élections, rappelle celui d’un ancien ami d’Ennahda : un certain Mzali (paix à son âme) dont la seule politique consistait à durer dans l’attente de la mort de Bourguiba. On connaît la suite.